À couper le souffle, par Bat.Jacl

Et dans une réponse à son aspiration démentielle, le monstre crache tout l’air emmagasiné. Comment arrive-t-il à gonfler autant ses poumons ? Son souff…




Chapitre 4: La sagesse des grand-mères, par Bat.Jacl

Recouverte de terre et de foin, je reprends mes esprits, assise dans une salle à manger. La première chose qui me frappe de ce nouveau lieu est son atmosphère attractive. Loin de la nuit et de la destruction, je suis gagné par une vague chaleureuse : réconfortante et sucré. La grande table de bois est dressée avec une porcelaine de mauvais gout, sur de la dentelle jaunissante. Assis avec moi, je retrouve Michon et Herta, les joues bien roses. Les deux ont une expression trop ahurie sur le visage par rapport aux évènements qui viennent d’avoir lieu. Michon me voit, il me sourit d’autant plus tout en continuant de se nourrir de l’homoncule coloré. Dans leurs deux assiettes, il y a d’ énormes pâtisseries difformes, qu’ils mangent avec des manières encore plus grossières, inondant la table de projectile plus ou moins grand.
Une voix dans mon dos m’interpelle :
« Et voilà, la plus belle ! L’odeur sucrée ne te dérange pas, je suppose ? »
Puis sans attendre ma réponse, une vieille femme se lance dans un rire proche d’un gargarisme métallique. J’imagine que la blague doit être hilarante, mais je suis sous le coup de l’émotion et ne parviens pas à en saisir les subtilités.
Je tourne la tête en direction de cet interlocuteur, et elle s’avance vers un bout de table. Je découvre sa silhouette potelet et les nombreuses années ont qui affaissés son visage, à l’exception de deux points : un long nez crochu, et de grands yeux alertes.
« Avec ce que vous venez de vivre, je suppose que tu as faim mon enfant.
— Je… je… qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
Je vois ses deux mains se déployer, et la multitude de doigts se replier sur une assiette mal nettoyée. L’image me rappelle l’ondulation des mille-pattes les plus vifs, et ça m’arrache un frisson de dégout. Je n’ai vraiment pas faim.
« Comme je l’expliquais à tes amis, Eden… je peux t’appeler Eden ? Oui, évidemment. Comme je l’expliquais à tes amis, je viens de vous sauver d’une mort atroce, grâce à la trappe que j’ai fait installer chez nos amis communs, les Grettels. D’ailleurs, je vous serais grès de ne parler de ce genre de trappe à personne. Enfin, de cette trappe, je veux dire, vu qu’il n’en existe pas d’autre. Les gens n’aiment pas trop me savoir directement relié à leurs habitations. Mais bon, en contrepartie de votre silence, je suis là pour vous. Ma maison aussi est là pour vous, mais ça, je pense que tu l’as déjà remarqué, c’est visible sur les murs, comme à l’odeur. »
Sur la table, il y a une magnifique rose aux épines aussi acérées que démesurées. Elle semble flotter dans une prison de verre. Mais mon regard est vite emporté ailleurs : la femme virevolte avec trop d’énergie, me rappelant que j’ai encore la tête qui tourne. Elle s’attaque vers son mur le plus proche, qui semble entamé, et y plonge ses longs doigts au plus profond qu’elle puisse. Elle grince des dents lorsqu’elle force et je peux voir la noirceur de son âme s’échapper depuis sa bouche, tandis qu’elle éclate des bouts de son mur rose. Avec habileté, elle parvient à détacher une brisque au contour irrégulier, la dépose dans l’assiette ancienne et me l’apporte.
Devant moi, je scrute le gâteau bien plus grand que ma tête, dont une crème blanche dégouline avec viscosité. L’odeur me met immédiatement en appétit, mais j’ai encore le ventre noué.
« Il faut manger ! Après ce que vous venez de vivre, ça va vous aider à reprendre des forces.
— Je… Non, je…
— NON ?! »
Le ton de la grand-mère est empli de reproche. Ses deux mains se sont levées, comme si elles voulaient me déchiqueter !
« Je te dis de manger, ingrate ! Les enfants sages doivent toujours écouter les grand-mères, ta grand-mère ne te l’a jamais dit ? 
— La p’tite Eden qui fait encor’ sa rabat-joie ! Faut s’détendre maint’nant, on a failli mourir !
— Exactement, prend modèle sur ton ami Herta ; elle est si pleine de sagesse, elle ! »
Si je n’étais pas aussi stressée et terrorisée par la soirée, j’aurai rigolé intérieurement en attendant l’association du prénom « Herta » avec l’adjectif « sagesse ».
« D’ailleurs, le gâteau l’est… l’est très… il est… »
Herta se perd au milieu de sa phrase, et se remet à manger sans énergie. Elle s’endort presque dans son assiette tandis que ses bras et sa bouche continuent de s’activer guider par je-ne-sais-quel-enchantement.
Dans un flash de lucidité devant le regard de prédateur, je trouve l’excuse idéale :
« C’est parce que je dois me laver les mains avant de manger… C’est ma grand-mère qui m’a dit de toujours le faire. »
Je lui tends mes deux paumes couvertes de terre et de fois, que la vieille dame scrute avec la plus grande des méfiances. Au bout d’un temps d’observation bien trop long, elle finit par abdiquer :
« Bon d’accord… Suis le couloir, et c’est l’avant-dernière porte à droite. »
Je saute de ma chaise, en ayant un regard peiné vers mes deux comparses, je vois que leurs lucidités se délitent. Leurs paupières sont quasiment fermées malgré leurs corps qui s’activent. Qu’est-ce qu’il peut y avoir dans ce gâteau-mur ?
Tandis que je m’avance dans l’appendice obscur de la maison sucrée, je sens les deux yeux ronds se déposer dans mon dos. Notre hôte peste :
« Le gâteau se déstructure, alors tu dois revenir vite pour le manger, petite Eden. Nous t’attendons. »
Je m’approche vers la porte indiquée, sans aucun plan en tête. Je sais une seule et unique chose : je ne compte pas me repaître de ces sucreries. Surtout quand je vois l’effet sur Michon et Herta, j’imagine que c’est un repas pour le moins addictif, en plus d’être léthargique.
De plus, je ne connais pas cette grand-mère, et elle ne m’inspire pas confiance.
Malgré l’obscurité, je peux apercevoir que le sol est jonché de poil, qui camoufle mal la crasse des lieux. J’espère que les taches brunâtres ne sont pas du sang. La lumière qui me montre ces détails me dessine aussi le chemin construit par ces amas de poil grisâtre. Je me remémore l’énorme silhouette poilue et puissante en frissonnant. Est-ce que cette mémé est de connivence avec la créature ? Bien décidée à comprendre ce qu’il se passe ici, je suis la piste dans la pièce vers l’autre bout du couloir, attiré autant par la fourrure étalée, que par la couleur orangée qui s’exfiltre.
Même si je suis dans le noir, je parviens à identifier la nouvelle salle comme une cuisine. C’est le four en marche qui m’a beaucoup aidé à cette déduction. Je reste immobile sur le pas de la porte, me demandant ce que la vieille femme prépare, et surtout si elle ne va pas tarder à venir me chercher.
Lorsque je m’apprête à faire demi-tour, un horrible détail m’arrache un gémissement : quelque chose vient de bouger dans le four.
Je me précipite, tout en essayant de faire le minimum de bruit. En me rapprochant, je ressens déjà la chaleur qui émane de l’appareil métallique.
Une sphère rouge attire en premier lieu mon attention : une pomme parfaite, au four. Je continue de m’avancer, et distingue l’ensemble de ce tableau malsain :
Une large mâchoire tient le fruit dans sa bouche. Autour, des poils blanc-grisâtre commencent à brunir avec la haute température. Puis, je tombe nez à nez avec un regard jaunâtre et fendu. Mais malgré la différence morphologique entre nous deux, je ressens toute la supplication dans ces yeux torturés.
L’animal cuit vivant ! Michon et Herta attendront, je me dois de le libérer au plus vite. Surtout que ce n’est pas n’importe quel animal, j’ai grandi en le connaissant. J’ai aussi souvent joué avec : c’est la chèvre de monsieur Seguin !




Un cou à se rendre chèvre, par Wargen

Je ne sais pas si les animaux sont capables de communiquer consciemment. Mais à la lueur tremblante au fond des yeux de la pauvre bête, j'ai l'impression qu'elle me supplie de la d&eacut…