Pas besoin de me Poucet, par Bat.Jacl

Animé par la fureur, Poucet me charge. Dans le noir intense de ses yeux, une lumière verte pulse à chacune de ses enjambées démesurées. Je comprends le lien …




Chapitre 8: L'eau de là, par Wargen

Me retournant, un joli lac s'offre à ma vue. Il est alimenté par une petite cascade provenant d'une partie de la forêt plus élevée, sûrement là d'où je venais après ma folle chute. Le rideau d'eau semble cacher un recoin dans des rochers, comme s'il s'y trouvait une petite grotte. Le trop-plein du lac s'échappe de façon sinueuse dans un petit ruisseau qui se perd dans la végétation alentour.Formant un trou dans la canopée, le lac est dardé de rayons rouges en provenance de la lune sanglante, donnant une teinte violette aux vaguelettes d'eau formé par la cascade. En dehors de la petite clairière dans laquelle j'ai atterris après ma chute, tout le pourtour du lac est entouré d'une végétation plus ou moins dense, formé de fougères surmontés de hauts arbres. Mais au contraire de ceux qui semblaient s’accrocher à moi de manière farouche lors de ma course poursuite, voulant me lacérer ou m'écorcher, la végétation semble douce, arrondie et accueillante.Cependant, le plus marquant reste la chose qui émerge du centre du lac. Le buste, les bras et la tête d'une forme féminine vaguement humaine, dont le bas du corps reste invisible sous la couche d'eau. La forme semble présenter une couleur bleu laiteux, comme aquatique, même si elle tire sur le violet avec les rayons de lune. Et ces yeux, sans pupilles, d'un blanc éclatant. Qui restent immobiles à me regarder. Immobiles comme l'ensemble du corps. Comme s'il s'agissait d'une statue.Dans un silence pesant en dehors de la chute d'eau, je tente de prendre contact :-Bon... bonsoir ! Qui... qui êtes-vous ?Pas de réponse. La forme ne semble même pas bouger. Je regarde dans mon dos, dans la direction prise par la chose qu'était devenu Poucet. Pas de signe de vie. Revenant face au lac, rien ne semble avoir bougé. Sauf que la forme semble s'être avancée que quelques mètres dans ma direction. Une vive décharge se propage dans mon dos. Il ne faut pas rester ici ! Un bruit, par-dessus le clapotement de l’eau. C’est léger, difficile à définir. On dirait une douce musique lancinante, mais apaisante. Ce n’est pas menaçant, mais ne me rassure pas. Par réflexe, ayant totalement oublié Poucet et repensant à Herta et Michon, de préfère de m’éloigner de la mare. Le son n’est pas monotone. C’est bizarre. Comme s’il y avait un flux et un reflux. On dirait qu’il y a une voix qui sourdre. Comme une douce mélopée. Et tout à coup, je l’entends et la comprends clairement :-Viens avec moi !Je m’arrête, peu rassurée. Je regarde devant, à droite et à gauche, mais ne voit rien bouger.-Reviens !Je n’arrive pas à comprendre.-Viens !Je ne sais pas si la voix parvient à mes oreilles, ou si elle s’imprime directement dans ma tête.-Ne me laisse pas !La voix reste douce et vaporeuse. Mais elle n’est pas suppliante. Il semble juste y vibrer une certaine mélancolie ou tristesse. Le clapotement maintenant lointain de la cascade ne semble pas provenir du même plan que ces paroles. Je me retourne, comprenant que cela ne peut venir que de la femme aquatique. Elle est encore là.-Oui, reviens avec moi…Malgré la distance qui nous sépare maintenant, je vois sa fine silhouette au centre d’une forme plus ou moins circulaire délimitée par le feuillage de l’épaisse forêt alentour et de la terre meuble du chemin.-…ne reste pas là…Sa silhouette est sombre, dans le contre-jour de la faible clarté violacée des eaux du lac éclairée par les rayons de la lune rouge.-…la forêt est dangereuse…Mais je remarque qu’elle n’a pas bougée, stationnée au bord du lac, ayant seulement levé les deux bras, tendus dans ma direction.-Je t’en prie, petite jonquille !Rien ne semble menaçant, mais cette situation ne m’inspire pas confiance. Et il ne faut pas perdre de temps, la sorcière pouvant débarquer à tout moment. Je me tourne et commence à reprendre mon chemin.-Non, ne t’en vas pas !La voix semble devenir suppliante. Mais elle reste douce et apaisante. Je ralentis le pas et m’arrête. Je suis déroutée, je ne sais que faire. Je me retourne de nouveau. La fine silhouette est toujours là, plus petite avec la distance.-Reviens avec moi…Et si jamais… La sorcière. Et Herta et Michon. Ils vont s’inquiéter.-…reviens te protéger dans le lac.Confuse, je bredouille, tout doucement :-Mais… pourquoi ?-Tu seras en sécurité.La voix est douce et apaisante. Mais un courant glacé court le long de mon dos. Je remarque seulement que le son de sa voix lancinante n’a pas baissé alors que la distance nous éloigne et que je n’entends presque plus le clapotement de l’eau. Un nouveau bafouillement sort de ma bouche :-J’ai p…peur.-Il ne faut pas… Viens en sécurité avec moi… Petit nénuphar…-Mais… mes amis. Et la sorcière ?-Ne crains rien… La forêt est dangereuse… Reviens avec moi…La voix n’a pas changé, et est toujours aussi douce, vaporeuse et mélancolique. La trace de supplication a disparue. La mélodie est apaisante.-Mes… mes amis. Il faut que je les retrouve.Malgré la distance, j’ai l’impression que la silhouette ne bouge pas d’un pouce. Cette situation étrange me parait irréelle. Ce qui fait beaucoup trop depuis le début de la nuit.-Reviens avec moi… Tu les retrouveras…Je reste stupéfaite à ces paroles.-Reviens au lac…-Mes… mes amis y sont ?-Oui… ils vont venir… viens les retrouver… quitte cette forêt hantée…Je suis tiraillée. Comment auraient-ils pu venir au lac… Je fais quelques pas dans sa direction.-Viens te protéger…Ils vont venir, avait-elle dit. Cela veut donc dire qu’ils n’y étaient pas encore. Comment sait-elle qu’ils viendraient ici ? Je m’arrête, indécise.-Viens les rejoindre…Malgré mes indécisions, la voix est toujours calme et lancinante. Je remarque que, lors de mon échappée, des bouts de gâteau phosphorescent sont tombés et semblent indiqué le chemin du lac. Il fallait seulement espérer qu’ils trouvent mon temps de retour bien long et qu’ils se décident de suivre la piste. S'ils ne tombaient pas sur Poucet.-Viens rejoindre les autres…Je sursaute. Et bredouille :-Que… quels autres ?-Viens rejoindre le lac… tu y retrouveras tes amis…-Oui, mais les… les autres ?-Viens les rejoindre…Je recommence à avancer lentement dans la direction du lac.-Viens rejoindre ton grand-père…Je m’arrête. Et blêmis-Viens rejoindre tes parents…Je me retourne d’une traite, et prends mes jambes à mon cou. La voix est toujours aussi douce, apaisante, mélancolique. Mais sa puissance diminue petit à petit.-Non… Ne pars pas, reviens… Ne me laisse pas… Fais attention… La forêt est dangereuse… Prends garde à toi, petit iris…Avant de s’éteindre définitivement dans un long murmure :-Je t’aime… Prend garde… A la bête…  Je suis affolée. Je cours pour m’échapper de cet endroit anxiogène. La pénombre m'entoure de plus en plus, mais je ne fais pas attention. M'enfuir, vite.Pourquoi ?Pourquoi quoi ?Pourquoi m'enfuir ? Ou pourquoi m'arrive-t-il tout cela depuis le début de la nuit ?Ne te pose pas de question. Cours, petite Eden, cours. Fais attention aux buissons, reste sur le chemin.Où ça ? Il n'y a plus de chemin. Tout est noir.Ouvre les yeux, ne pleure pas. Regarde où tu vas, tu as manqué de tomber par terre !Qu'a-t-elle voulu dire ?Qui ça ?Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je suis perdue.Non, tu n'es pas perdue, fuis, petite Eden, fuis.Le lac. Le femme dénudée.Non, n'y penses plus.Pourquoi rejoindre Grand-Père, Père et Mère ?Regarde où tu cours, tu vas te perdre. Ne pense plus à ça. Regarde, tu as pris le mauvais chemin, il n'y a plus de bout de gâteaux devant toi, tu cours depuis tout à l'heure dans le noir. Reviens en arrière, retrouve le chemin.Mais si je reviens en arrière, je pourrais revenir vers le lac. Je pourrais avoir des réponses à mes questions. Pourquoi rejoindre Grand-Père, Père et Mère ?Tu le sais très bien. N'y penses pas. Cours rejoindre les autres.Quels autres ? Grand-Père ? Père ? Mère ? Tu le sais aussi bien que moi, ils sont morts.C'est pour ça, oublie ce que tu as entendu. Ne reste pas seule, retrouve Herta et Michon.Mais elle a dit qu'ils viendraient au lac. Peut-être y sont-ils déjà ?-Non !Je m'arrête brusquement. Qui a dit ça ? Je regarde autour de moi. Tout est sombre et immobile. Je frissonne. D'où est-ce que ça vient ?De toi, ma petite Eden. C'est toi qui vient de parler.C'est sûr ?-Oui.Et là ? J'ai l'impression d'avoir vu bouger quelque chose !-Tu es sûre ? Je n'ai rien entendu...Je deviens folle. Je me parle dans ma tête. Je me parle à voie haute, et je ne m'en rends pas compte. Je suis fatiguée. J'ai peur. Je veux rejoindre Herta et Michon au lac.-Non ! Ne fais pas ça, retrouve les tant qu'il est encore temps. Tiens, regarde, ça brille. Tu as retrouvé ta piste. Ne la perd pas maintenant.Je suis essoufflée, je suis terrorisée. Je pense que je suis plus près du lac que des autres.-N'y pense même pas.Pourquoi ? Pourquoi a-t-elle dit que je les retrouverais au lac, avec Grand-Père, Mère et Père ?-Prend à droite. Voilà, comme ça, c'est bien, n'ai pas peur.Je me mets à crier :-Mais j'ai peur. Je veux retrouver Herta et Michon !J'ai l'impression de percevoir un nouveau mouvement sur ma droite. Mais est-ce vrai ? Il n'y a eu aucun bruissement.Chut, ne crie pas, on ne sait jamais ce qui peut traîner dans cette forêt...Je chuchote d'une voix tremblotante :-Je veux retrouver Herta et Michon. Je veux retrouver Père et Mère.Pour les deux premiers, il n'est peut-être pas trop tard, -Cours les rejoindre.Que...qu'est-ce que tu veux dire par :  « il n'est peut-être pas trop tard » ? -Tu penses que... qu'ils sont morts ?Ah ton avis, pourquoi a-t-elle dit :  -  « ils vont venir » ? Elle a utilisé le futur, ce n'est peut-être pas trop tard !Je ne comprends pas.-Moi oui. Alors écoute moi. Continue ton chemin. Voilà. Presse un peu le pas. Cours rejoindre Herta et Michon. Et ne te pose pas de question.Je crois que je suis folle. Je ne sais pas. Je ne sais plus. -Tu es sûre que j'ai fait le bon choix ?Oui. -Je suis sûre, fais moi confiance. N'ai pas peur. -Et regarde où tu... La racine est épaisse et visible sous le peu de luminosité. Mais je suis trop concentrée intérieurement. La chute est brutale. Je tombe sur le ventre. Le capuchon amorti le choc, mais mes deux mains en avant s'écorchent sur quelques cailloux invisibles. L'épingle de mon capuchon imprime tout de même sa marque dans la chair de mes seins, et j'ai le goût de la terre en bouche.En relevant lentement la tête, je me rends compte que je suis seule, en pleine nuit au milieu d'une forêt inconnue tellement dense qu'elle laisse à peine transpercer quelques rayons d'une lune rougeâtre. Tout semble immobile, comme mort. J'ai l'impression d'à peine distinguer quelques longues branches fines dénudées et tombantes.A moins que cela ne soit d'énormes doigts squelettiques.-Ne recommence pas !Chut ! J'ai l'impression que ça a encore bougé. Je me remets debout, et reprend ma course. Je tente tant bien que mal de faire taire ces voix dans ma tête. La piste est facile à suivre. Un frisson parcours mon échine. Encore un mouvement dans les buissons. Suivis d'un hurlement inhumain.




Phag(at)ocyté, par Wargen

Le cri me fait sursauter. Je veux hurler mais un hoquet me coupe le souffle. Ma tête tourne. Et alors que le hurlement venant de je ne sais où se calme et semble se transformer en g&eacu…