Concours de nouvelles : Arbre, par information.the.root.book

Salutations à tout·e·s, Êtes-vous prêt·e·s à vous lancer dans une aventure littéraire hors du commun ? 🚀 The Root Book lance son premier…




Chapitre 1: On aurait dû le jeter du pont, par VanessaP

— Clarisse, passe-moi la pelle.


Clarisse s’exécute, trop choquée pour réfléchir. Elle retourne au coffre du trois-cent-huit de son père, récupère l’instrument et le tend à Jonas. Ce dernier l’attrape et commence à creuser, sous le faible faisceau de lumière que sa lampe torche lui envoie. Du haut de l’arbre qu’il a sélectionné. Dans la forêt où il les a emmenés. Avec le véhicule qu’ils ont emprunté. Sans permis.


Jonas, le plus âgé, n’a pourtant que seize ans et à peine quelques heures de conduite à son actif. Cela ne devait pas se passer comme ça. Lui et ses cadets, Nathan et Jeanne, sont venus passés la nuit, chez elle et son frère Elliot, pendant que leurs parents profitaient des spectacles parisiens. Les enfants étaient restés seuls, sous la surveillance de Jonas, si l’on pouvait dire. Celui-ci préférait geeker sur son jeu vidéo plutôt que vérifier si les petits étaient nourris, couchés ou rassurés. Alors ils ont mangé n’importe quoi et se sont endormis à point d’heure, effrayés par les histoires de fantômes de Nathan.


Pourtant, cette nuit-là, Jonas s’est montré bien utile, lorsque l’homme a tenté d’entrer par effraction dans la maison. Et qu’il a réussi.


— Bon, Clarisse, reste pas plantée là ! Va plutôt faire le guet !


Faire le guet. Clarisse n’a que quinze ans. Elle ne voit pas bien ce qu’elle pourra faire si elle fait le guet et que quelqu’un approche. Malgré tout, elle acquiesce et repousse Elliot qui s’accroche désespérément à sa chemise de nuit.


— Je veux maman… murmure le gosse de six ans.


— Ça va aller, Elliot, le rassure Clarisse, je reviens dans un moment, reste avec les autres.


Sans tenir compte de ses suppliques, elle se dirige en direction de la route, pour surveiller les environs.


 


Jonas sue à grosses gouttes au-dessus d’un trou encore inexistant malgré ses coups de pelles répétés. Jeanne, à quelques mètres de lui, vide toutes les larmes de son corps.  


— Nathan, va mettre les petits dans la voiture ! s’agace Jonas.


Nathan peste. Il a quatorze ans et n’a aucune envie de jouer les babysitters. Pourtant, la situation est grave. Trop grave. Alors, il attrape Jeanne qui sanglote et Elliot qui s’est accroché à lui et les guide tous deux jusqu’au véhicule. Quelle idée de les avoir amenés ?


Jonas reste seul dans la nuit. Il creuse, creuse et creuse encore. Ses pelletées sont de moins en moins remplies, mais son outil cogne inlassablement contre des pierres, en une musique effrayante. Jonas en soulève certaines, se heurte à d’autres, impossibles à déloger. Il continue malgré tout, décalant sa visée. Cela fait quinze minutes qu’il y est. Peut-être même trente. Et l’orifice obtenu ressemble à peine à l’ouverture d’un terrier de lapin. De blaireau éventuellement. Mais quelle alternative ? Alors il creuse encore.


 


Jeanne est fatiguée. Du haut de ses dix ans, elle pleure doucement dans la voiture, aux côtés d’Elliot qui s’est accroché à elle et de Nathan qui peste dans sa barbe. Mais elle ne leur prête aucune attention, elle ressasse les évènements de la nuit. Tout est de sa faute. Si elle n’avait pas bu tout ce soda, elle n’aurait pas eu envie de faire pipi trente minutes après s’être couchée. Et elle n’aurait pas vu l’homme entrer par la baie vitrée à l’arrière de la maison. Elle n’aurait pas crié. Cela n’aurait pas alerté Jonas, absorbé dans son jeu vidéo. Il n’aurait pas attrapé la belle sculpture en pierre noire des parents de Clarisse et Elliot. Et il ne l’aurait pas abattue sur la tête de l’intrus.


Maintenant, ils sont là, dans l’obscurité et le froid de la nuit, à enterrer un macchabée.


« C’est comme ça qu’il faut faire, quand on tue quelqu’un », a dit Jonas.


S’il le dit, cela doit être vrai. C’est lui le grand après tout. Mais Jeanne préfèrerait dormir dans son lit en cet instant et entendre les talons de Maman lorsqu’elle rentrerait en riant discrètement, avant de monter l’embrasser. Tout est de sa faute. Ses sanglots redoublent.


 


            Nathan en a marre des gémissements de Jeanne. Il en a marre des ordres de Jonas qui s’est pris pour le chef de la bande. Lui n’a aucune envie de se trouver là. Il l’avait dit qu’ils auraient simplement dû jeter le corps par-dessus le pont de Maisons-Laffitte. Ils auraient alors juste eu à le balancer et à rentrer chez eux avant que les parents ne reviennent. Soi-disant que cela aurait été trop visible. Du coup, maintenant ils sont là, dans cette forêt lugubre, à attendre que Jonas creuse son trou pour y enterrer le braqueur. Tant mieux qu’il soit mort. Nathan ne voit pas en quoi c’est un problème. Si ça n’avait pas été lui, ça aurait été l’un d’eux. Légitime défense. Voilà tout.


— Mais tu vas finir par la fermer ! crie-t-il à Jeanne, lassé de ses lamentations pitoyables.


Un silence s’installe un instant. Juste un instant. Puis Jeanne sanglote de plus belle, rejointe par Elliot dans sa sérénade.


— Je veux Maman ! se plaint-il.


— Oh et puis merde, lance Nathan, avant d’ouvrir la portière et de sortir du véhicule, je vais prendre l’air.


 


            Clarisse s’est suffisamment éloignée pour ne plus entendre les coups de la pelle heurtant les pierres. Chacun des bruits lui rappelle celui violent d’un crâne qui se brise, puis celui du choc sourd d’un homme qui s’écroule sur le sol. Le cri de Jeanne l'a réveillée et elle est descendue voir ce qu’il se passait. Juste à temps pour observer le crime de Jonas. Juste à temps pour voir le sang s’écouler de l’occiput défoncé de l’individu. Cette image resterait à jamais gravée dans sa mémoire. Comme celle du liquide rouge et visqueux qu’elle s’est efforcée d’éponger pendant que Jonas et Nathan trainaient le corps par la baie vitrée. Tout ce sang… Elle frotte ses mains sur sa chemise de nuit, pour en effacer les traces invisibles. Elles demeureront imprimées dans son esprit, quoi qu’il arrive.


            Un froissement régulier alerte Clarisse qui retient sa respiration. Elle se cache derrière un arbre en se montrant le plus discrète possible. Ses doigts posés contre le tronc, elle jurerait y percevoir un battement… Le sien probablement.


— Clarisse ? appelle la voix inquiète de Nathan.


— Ah c’est toi… fait-elle en sortant de sa planque, qu’est-ce que tu fais là ? Jonas a fini ?


— Non, bien sûr que non, il n’aura jamais fini… peste-t-il, on aurait dû…


— Allons, Nathan, tu sais bien que ça n’aurait pas été possible ! Déjà pour monter le corps jusqu’à la voiture, il a fallu qu’on s’y mette à trois… Nous n’aurions jamais pu le soulever par-dessus un pont !


Nathan se renfrogne en ronchonnant dans sa barbe. Il sait qu’elle a raison, mais ne l’admet pas. Râler, c’est bien tout ce qu’il peut faire. Quand Jeanne l’a secoué pour le réveiller cette nuit, en lui disant qu’un homme était mort, il ne l’a pas crue, bien sûr. Il s'est tout de même levé, devant son air affolé et l’a suivie jusqu’au salon. Il s'est figé en apercevant Jonas, sa statuette ensanglantée à la main, fronçant les sourcils devant un corps inerte qui pissait le sang. Un mort. Dans le salon. Lorsque Jonas a remarqué Nathan, ses yeux se sont éclairés d’une lueur d’espoir et il a commencé à distribuer ses instructions. Tous l'ont écouté sans broncher… Que pouvaient-ils faire d’autre ?


Un ronronnement s’élève au loin.


— Tu entends ? demande Nathan.


Clarisse fait oui de la tête. Elle regarde en direction du bruit et aperçoit bientôt des lumières qui transparaissent par intermittence à travers la forêt. Une voiture approche.


— Il n’y a pas d’autre route que celle qu’on a empruntée… constate Nathan.


Clarisse le sait. Elle est déjà livide à l’idée du cauchemar qui se poursuit. Les phares éclairent entre les arbres, suivant le chemin qui mènera inévitablement le véhicule jusqu’à eux. Qui peut bien venir dans une forêt en pleine nuit ? À part une bande d’enfants ayant tué un homme, bien sûr.


— Il faut prévenir Jonas, décide-t-elle et Nathan ne la contredit pas.


 


            Jonas n’a pas avancé d’un centimètre depuis au moins quinze minutes, il en est sûr. La lampe torche dont il se saisit lui confirme ses soupçons. Il a déblayé un maximum de cailloux, mais s’est finalement heurté aux racines de l’arbre sous lequel il a choisi d’enterrer sa victime. Quelle idée de creuser là ? C’était une idée de merde. Comme toutes les idées qu’il avait eues depuis le début de la soirée. Il n’aurait jamais dû accepter de garder les gosses déjà. Il s'est dit qu’il pourrait ainsi jouer tranquillement, mais ça non plus il n’aurait pas dû. S’il n’avait pas tué virtuellement des hommes des heures durant, peut-être n’aurait-il pas eu le réflexe d’attraper cette statue de malheur pour assommer l’intrus qui a fait hurler Jeanne. Le temps qu’il réalise son geste, tous les gamins étaient réveillés. Quel piètre gardien il faisait ! Il ne voulait pas que ses parents voient ça. Pas après toutes leurs remontrances sur les jeux violents devant lesquels il passe son temps. Il fallait se débarrasser du corps d’abord et l’arrivée de Nathan lui a donné une idée. Ils le porteraient tous les deux jusqu’à la voiture, iraient l’enterrer dans la forêt et reviendraient avant que les parents ne rentrent. Ils auraient laissé Clarisse et les petits s’il n’avait pas tant galéré à le hisser dans le coffre. Ils ont eu besoin d’elle. Et il n’était pas question que les gosses restent tout seuls à la maison après ça. Alors, les emmener a paru une bonne idée, ou du moins, la moins pire. Pourtant, à présent, ils pleurent dans la bagnole. Que fout Nathan ?


            Jonas jette sa pelle de dépit, s’essuie le front d’un revers de manche, saisit sa lampe torche et se dirige vers la voiture. Il découvre Jeanne et Elliot en larmes, dans les bras l’un de l’autre. Seuls.


— Où est Nathan ? demande-t-il, plus sèchement qu’il ne l’aurait souhaité.


— P…pa…r…ti…i… i, sanglote Jeanne en pointant la forêt.


            Quel abruti…


— Je veux Maman… réclame Elliot en chouinant.


— Allez, c’est bon, calmez-vous, tout va s’arranger.


Il ne voit pas bien comment et regarde les gamins, impuissant à les rassurer. Puis il entend des pas qui courent en leur direction. Il contourne la trois cent huit pour découvrir Clarisse et Nathan.


— Putain, t’étais où ? crie Jonas à son frère.


— Une voiture arrive, répond Nathan.


— Fait chier…


— Je veux Maman, signale Elliot en serrant un peu plus Jeanne contre lui, qui sanglote toujours.


— Oui, oui, Elliot, attends, s’impatiente Clarisse, avant d’ajouter à l’intention de Jonas : bon, qu’est-ce qu’on fait ?


Jonas ne dit rien. Il pince les lèvres de désarroi alors que Jeanne continue de pleurer.


— Je veux maman ! insiste Elliot en chougnant également.


— Tais-toi Elliot ! lui balance Nathan, on aurait dû le jeter du haut d’un pont, on n’en serait pas là.


Les larmes d’Elliot redoublent.


— Mais non, il ne parle pas pour toi, le rassure Clarisse en fusillant Nathan du regard.


— Eh bien, trouve une solution, toi, puisque t’es si malin ! braille Jonas à son frère.


La voiture se rapproche ; on entend à présent clairement le bruit de son moteur et des changements de vitesse. Jeanne pleure de plus en plus fort.


— Arrêtez de vous disputer ! ordonne Clarisse, vous voyez bien que ça perturbe les petits !


— Mais ils sont déjà perturbés les petits ! Ils ont assisté au meurtre d’un mec, putain ! Et maintenant, ils sont là à attendre qu’on l’enterre ! Tu crois que c’est en se parlant gentiment qu’ils vont arrêter de chialer ? explose Jonas.


— Je veux Maman ! crie Elliot à s’en fendre les poumons.


— La ferme Elliot ! aboie Nathan.


Clarisse prend son petit frère dans ses bras et Jeanne enfonce sa tête dans le ventre de la jeune fille pour étouffer ses sanglots. La voiture ne se trouve plus qu’à quelques centaines de mètres, encore un virage et elle apercevra la trois cent huit et les gamins au bord de la route.


— Ça suffit ! Que tout le monde se taise maintenant ! Tâchons au moins de faire bonne figure.


Jonas se place devant le cadavre pour tenter de le camoufler et éteint sa lampe torche. Nathan croise les bras et soupire de dédain, mais le rejoint quand même. Clarisse serre Jeanne contre elle pour l’encourager à la suivre jusqu’aux garçons. Ils sont à présent tous les cinq alignés, comme des ronds de flan et attendent le couperet, immobiles. Seuls les sanglots de Jeanne et les soubresauts d’Elliot brisent le silence qui les entoure.


La voiture arrive. Ses feux éclairent la route à quelques arbres de là, qui les camouflent sommairement. Si l’on y prête attention, il n’y a aucune chance de les louper. Jonas a avancé la trois cent huit au plus loin qu’il pouvait, mais la forêt est trop dense pour qu’il puisse s’y enfoncer plus. Alors, du sentier, on ne peut pas la manquer.


Le véhicule ralentit en passant devant eux, un visage les scrute à travers la vitre. Puis, il continue sa route sans s’arrêter. Les feux n’éclairent plus le chemin, le bruit de moteur décroit jusqu’au virage suivant. Jonas attend, sans bouger, redoutant un demi-tour, mais rien ne se passe. Il expire enfin.


Jeanne pleure toujours contre Clarisse. Cette dernière berce tendrement Elliot qui se blottit contre son cou.


— Et maintenant ? demande Nathan.


Jonas n’en sait rien. Il ne croit pas à leur chance, si l’on peut l’appeler ainsi. Mais même s’ils s’en sont sortis sur ce coup-là, le corps est loin d’être enterré. Même s’ils réussissent à s’en débarrasser, ils ne rentreront probablement pas avant leurs parents. Et même s’ils réalisent cet exploit, le coffre de la voiture gardera certainement des traces de leurs méfaits, malgré le drap avec lequel ils avaient pris soin de le protéger.


 


            Jeanne ne pleure plus. C’est ce qui alerte Nathan. Ses sanglots se sont arrêtés et elle fixe maintenant quelque chose derrière eux d’un air ahuri. Nathan se retourne :


— Putain, qu’est-ce que… ? commence-t-il.


Les autres observent à leur tour. Là où reposait le mort, quelques minutes auparavant, ne réside plus qu’un amas de terre et de racines.


— Tu avais terminé d’enterrer le corps, Jonas ? demande Clarisse sans y croire.


Il secoue la tête. Il rallume sa lampe torche et dirige son faisceau sur le tas nouvellement formé. Aucun doute possible : le macchabée est dessous. Un mouvement dans la lumière les fait reculer d’un bond. Les racines viennent de bouger. Jonas pince les lèvres en observant la zone. Clarisse retient son cri pour ne pas alerter Elliot qui s’est finalement calmé dans son cou. Nathan se frotte les yeux, incrédule. Jeanne, enfin, exprime tout haut ce que tout le monde pense, mais n’ose formuler :


— C’est l’arbre qui… c’est l’arbre qui l’a enterré.




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