Nains, faux, maniaques, par Wargen

Quelques secondes s'écoulent, chacun immobiles, le temps que mes paupières retombent légèrement et que ma mâchoire reprenne sa position normale. Je bafouille : …




Chapitre 15: Nains, faux, maniaques 2, par Wargen

La plateforme d’accès au passage secret a fini son demi-tour complet. Je me tourne pour m’apercevoir que nous avons débarqué dans un sombre et petit couloir bas de plafond aux murs circulaires, le mur extérieur étant fait de pierres froides encastrées dans un mortier, le mur intérieur d’une succession de grands et épais rideaux maintenus entre plusieurs colonnades. Une étrange lueur verdâtre semble émaner d’une légère fente entre deux pans de rideaux. Les écartant, nous découvrons derrière une énorme salle de forme circulaire, entourée de colonnades et de rideaux mauves plus ou moins attachés la séparant du petit couloir périphérique, haute d’un plafond en coupole qui, malgré la pénombre, semble richement décoré. Grande pièce remplie d’un amoncellement indescriptible d’objets aux formes informes et déroutantes, et aux utilités nébuleuses.
Ici une sorte de sac en peau d’où ressortent des sortes de tiges en métal, là un bac en bois équipé de quatre petites roues, à côté deux bâtons en bois accrochés en leur extrémité par des maillons de chaîne, encore ici une grande statue en métal qui sonne creuse quand je tapote à sa surface. Un récipient d’un matériau translucide inconnu dont l’embout s’enroule comme une vis avant de repartir sur le côté, que je manque de renverser en voulant éviter une caisse en bois remplie de tissus brodés de motifs indéchiffrables du fait du manque de luminosité.
L’étrange lueur verdâtre, qui baigne l’ensemble de la grande pièce, semble venir de son centre. Nous rapprochant sans bruit, nous apercevons Herta, se détachant des piles d’objets sombres qui me cachent la vue. Herta allongée dans une sorte de caisson constitué de ce qui semble être le même type de matériau inconnu translucide que le récipient que j’avais failli renverser.
Quoique, son image semble légèrement mouvante et floue.
Comme lorsqu’on regarde à travers l’eau.
Non, ça semble légèrement différent.
Son caisson, qui semble être la source de cette étrange clarté verdâtre, repose sur un imposant socle d’une roche noire, à la surface complètement lisse d’où semble s’écouler lentement quelques petites vagues vertes à la direction aléatoire.
-Croâââ !
Le croassement résonne dans l’énorme pièce. Nous nous tournons d’un même geste, avec le chaperon rouge, vers l’amphibien :
-Chut !
Puis le chaperon rouge plante ses yeux dans les miens :
-J’entends un faible bruit.
Je tends l’oreille. En effet, un faible bourdonnement apparait lentement, pour disparaitre aussi soudainement et doucement qu’il est apparu. Nous nous figeons. Quelques secondes plus tard, le bourdonnement recommence. Et ainsi de suite. Il vient de l’endroit où nous nous trouvons. Le plus lentement possible, nous faisons le tour de l’étrange structure sur laquelle repose Herta dans son caisson tananautique. Pour tomber nez-à-nez avec un nain, assis le dos contre le socle noir, les paupières fermées s’agitant légèrement, son buste se gonflant lentement au bruit de son ronflement, puis se rétractant dans un bruit similaire, avant que le bourdonnement ne s’arrête jusqu’à la prochaine inspiration.
-Ce doit être Dormeur.
Je hoche la tête positivement à l’adresse du chaperon rouge.
-Je propose que l’on s’éclipse le plus discrètement possible.
J’approuve une nouvelle fois de la tête.
 
Nous éloignant, nous continuons l’exploration de la pièce, passant devant d’autres objets aux formes toujours plus insolites. La tête en l’air en direction d’une sorte de haut épouvantail avec des lames acérées dardant de ses épaules, je trébuche et atterris dans un sac en lin qui doit contenir des vêtements bienvenus pour amortir ma chute.
-Fais attention !
Oui, fais attention !
Et toi, tu n’aurais pas pu le voir ?
Me tournant vers le coupable, je m’aperçois qu’il s’agit d’un fil très fin. Une traction et une pression dessus m’indique qu’il doit s’agir d’un fil très solide. Le remontant, ma main tombe sur une bobine autour de laquelle doit être enroulé une grande distance de ce fil d’une matière inconnue. Je glisse la bobine dans la poche de mon capuchon et, le crapaud étant remonté sur mon épaule, nous reprenons l’exploration.
Nous finissons par tomber sur la porte principale de la pièce, ouverte. Une immensément haute et large pièce constituée de deux battants d’un bois massif formant les deux côtés d’une ogive. La traversant, nous arrivons sur le début d’un grand escalier à balustrades.
-L’escalier intérieur.
Le chaperon rouge ferait un excellent guide !
Pas d’ironie, toi !
En face se trouve ce qui doit être la porte d’entrée de la tour. Lourde, et qui semble fermée. Nous nous tournons vers l’escalier principal. Je soupire :
-Quand il faut y aller…
 
Nous entamons l’ascension du grand escalier le plus silencieusement possible. Au premier étage, nous tombons sur une porte donnant dans une grande chambre contenant un lit à baldaquin.
-La chambre du Maître.
-Croâââ !
-Chut !
Le chaperon rouge me fait sursauter. Nous nous cachons de part et d’autre du pas de la porte. Mon cœur bat la chamade. Les voix de Prof et Simplet se font entendre de l’autre côté de la chambre, à travers l’ouverture donnant sur le balcon-couloir extérieur.
 
 
Les deux nains continuent leur chemin, semblant descendre par l'escalier extérieur, sans porter un regard vers la chambre du Maître. Une fois sûre qu'ils ont entamés la descente, nous reprenons la montée dans l'escalier intérieur. Toujours le plus silencieusement possible.
Tout à coup, le chaperon rouge pousse un cri de surprise strident. Terrifiée, je me jette au sol, le crapaud sautant in extremis pour ne pas se faire écraser. Quelques secondes passent, dans un silence de cathédrale.
-Je... j'ai cru avoir entendu un bruit, se lamente le chaperon rouge.
Je tends l'oreille. Rien.
Un crépitement de flamme ?
Comme une torche ?
Non, je crois que mon imagination déborde.
Je ne suis pas convaincue, pour ma part.
De quoi ?
Qu'il n'y ait personne !
Je regarde le chaperon rouge. Elle me fait signe de me relever en bredouillant des excuses. Je passe la tête par-dessus la rambarde, et regarde vers le bas.
C'est haut !
Et vers le haut.
C'est encore plus haut !
Mais il n'y a personne.
Tu vois, je te l'avais dit.
On en reparlera plus tard...
Le crapaud vient se repercher sur mon épaule.
 
Nous reprenons l’ascension, le plus furtivement possible. Les marches du grand escalier s'arrêtent sur un palier donnant sur une nouvelle salle. Celle que j'avais sauté en prenant par l'escalier extérieur. La porte est ouverte et laisse passer une faible lumière mouvante. Je me colle dos au mur, juste à côté de la porte, et tente un rapide coup d’œil à l'intérieur : des lits superposés, des bougies, et, a priori, personne. Je me tourne vers le chaperon rouge adossé à côté de moi et lui souffle :
-Tu peux aller voir ?
Elle opine du chef, et rentre dans la salle. Un temps indéterminé s'écoule.
Mais qu'est-ce qu'elle fait ?
Si je le sav...
-C'EST BON, TU PEUX VENIR, IL N'Y A PERSONNE !
Je hoquette de peur. Reprenant mon souffle, je rentre dans la pièce. Où il s'avère n'y avoir effectivement personne, à part le chaperon rouge en train de fureter dans les recoins. Elle se tourne vers moi :
-Je pense que c'est la chambre des nains.
Il y a en effet fort à parier : six lits superposés et autant de tables de chevet, quatre grosses commodes, deux bureaux avec chaise, encrier et plumes et un rangement en sous-main. Des bougies baignent la pièce d'une légère luminosité tremblotante. La chambre est plutôt sobre et vide comparée au capharnaüm traînant dans la grande salle du rez-de-chaussée. Légèrement déçue, je retourne vers l'escalier principal. Quand je me fige tout à coup : une voix se répercute dans la grande cage de l'escalier principal. Je n'entends pas distinctement ce qui est dit, mais je reconnais la voix nasillarde d'un des nains.
-Vient vite, on va sortir par l'extérieur !
Je rejoins le chaperon rouge et tente d'ouvrir la porte donnant sur l'escalier extérieur. En vain. Elle semble solidement fermée. Je fais un rapide tour d'horizon. La pièce me semble bien trop vide !
La voix résonne de plus en plus fort dans l'escalier. Il doit descendre ! Je chuchote au chaperon rouge :
-Part en éclaireuse !
Elle ne se fait pas prier et sort aussitôt de la pièce. J'analyse plus précisément la pièce : les lits sont trop bas pour ramper en dessous, les commodes s'avèrent malheureusement toutes verrouillées, les tables de chevet sont trop petites et les bureaux n'offrent aucune cachette avec la lueur tremblotante des bougies. Et les éteindre trahirait sûrement ma présence. Le chaperon rouge rentre dans la pièce paniquée :
-Il est à l'étage du dessus ! Il vient précisément chercher quelque chose ici !
 
Mon cerveau rentre en ébullition tandis que le chaperon rouge semble rester pantois, comme sans solution.
Un piège !
Et tu l’égorges. Comme la sorcière !
Je sors machinalement la bobine au fil étrange de ma poche, accroche le bout à un des pieds du lit superposé collé au mur côté porte d'entrée. Une fois sûre que le nœud tient bien, alors qu’un sifflotement se rapproche, je me précipite en asseyant de faire le moins de bruit possible sur le lit se trouvant de l'autre côté de la porte d'entrée, Je me tourne vers le crapaud :
-Gentil petit crapaud, va à l'autre bout de la pièce et croasse le plus fort que tu peux.
Je regarde l'animal bondir vers l'endroit indiqué, se tourner, et beugler le plus fort qu'il peut.
-Ohohoh !
Une voix aiguë et joyeuse.
Joyeux !
-Si le crapaud est là, elle aussi. Elle est à moi ! Ouiii !
J'entends un bruit de pas se précipitant dans les escaliers :
-Lalala la la lala, bais-ouil-ler en trav-ail-lant !
Le bruit de pas se fait de plus en plus fort, se transformant en cavalcade. Le crapaud croasse de tout son être. Le chaperon rouge, qui semble avoir repris de l'assurance, m'encourage :
-Soit prête ! Il faudra que tu tires bien fort !
Ma main gauche glisse en direction de ma ceinture et du couteau.
-Ouiiii ! Pour moi ! Lalala la la lala.
J'assure la prise de ma main droite sur le fil.
-Croâââ...
-Bais-ouil-ler...
-TIRE FORT !
Je tire de toute mes forces. Une pression sur le fil. Je tiens bon. Deux nains rentrent dans la pièce, traversant mon champ de vision en toute hâte.
 
Ils s’effondrent par terre dans un bruit flasque. Je lâche le fil et me tourne dans leur direction, le couteau à la main. Et vomis. De la bile. Je n’ai plus rien dans le ventre et ça me brûle.
Car en lieu et place de deux nains, il s’agit un fait d’un seul individu. Coupé en deux au niveau de l’abdomen du fait de la vitesse d’approche et de la résistance du fil. Les deux bouts de nain se sont affalés l’un sur l’autre, comme s’il était assis jambes tendues, tentant de toucher ses bouts de pieds avec ses mains. Les viscères et une multitude de fluides corporels commencent à se répandre lentement sur le sol de la chambre à partir des découpes béantes de chaque tronçon.
-Il devait avoir une grosse érection, il y a la moitié supérieure de son sexe qui traine ici.
Je lève la tête de ma bile et du cadavre pour regarder le chaperon rouge qui se trouve un peu plus loin, devant ce qui ressemble à un boudin coupé en deux. Une odeur fécale commence à se répandre dans la pièce.
Je me sens mal, la tête me tourne. Je suffoque. L’odeur devient intenable. Je passe le haut du buste à travers la porte d’entrée de la pièce, pour respirer de l’air frais provenant de la cage d’escalier. Je rampe jusqu’à la balustrade et me hisse tant bien que mal sur les pieds. Je me force à respirer calmement et, les yeux fermés, tente de faire le vide dans ma tête.
Petit à petit, les choses se stabilisent.
J’ai l’impression que ça va mieux.
Oui. Et il vaut mieux : qu’est-ce que tu nous as fait, là ?!?
Qu’est-ce que quoi ?!?
Ce n’est pas en faisant ta petite nature que tu vas nous sortir de là !

Tu devrais me laisser faire !
Je ne comprends pas…
Ça ne m’étonne pas. Laisse-moi les commandes !
Non ! Jam…
-Aller, c’est reparti pour un tour, mon petit Simplet !
-Oui, chef. J’le sens bien là, on va l’avoir !
Les sons et les souffles provenant d’en bas indiquent que les deux nains ont commencé l’ascension de l’escalier intérieur. L’instant de stupeur passé, je récupère le crapaud et me mets à remonter les marches le plus silencieusement possible. Je chuchote au chaperon rouge qui monte à côté de moi :
-Tu ne veux pas aller voir ce qu’ils font ?
A quoi cela sert-il ?
-A quoi cela servirait-il ?
Tais-toi, toi !
-Je… euh…
Le chaperon rouge fait deux bonds en avant et se plante devant moi :
-Franchement, on entend bien qu’ils montent, il y a assez de luminosité pour qu’on les voit arriver, je n’ai pas envie de faire des allers-retours inutiles pour ton bon vouloir !
Ahahahah !
Tais-toi, toi !
-D’accord…
Je reprends mon ascension discrète.
 
-J’aime bien votre plan chef, pffff, je trouve que c’est une trop bonne idée, pffff. Je suis trop content que tu sois le chef !
Palier de la cuisine atteint. Nous continuons la montée.
-Pffff Il y a toujours eu quelque chose qui me désarçonne chez toi, pfff, mon garçon.
-J’ai pas com- pffff -pris ce que vous avez voulu dire, Prof !
-Je le sais bien ! Tiens, ferme bien celle-là aussi.
Un bruit de porte qui se claque et de clef qui tourne se répercute dans l’escalier.
-Je ne le sens pas trop, là… laisse échapper le chaperon rouge.
-On continue.
 
-Pauvre Grincheux !
-Tu as raison, mon petit. J’espère qu’on la trouvera pour lui faire payer ça.
-Oui, elle va payer !
La fin de la phrase de Simplet part dans des aigües stridents. Quelle voix horrible ! La voix doctorale de Prof résonne dans la cage d’escalier.
-J’espère que Joyeux fait bien sa part du boulot. Et qu’il trouvera ces fainéants d’Atchoum et Timide !
 
Prochain palier. La porte de droite est fermée. Ce palier possède également une porte à gauche. Fermée également. Nous enchainons les marches suivantes.
 
-Pouah, ça pue !
-Tu as raison, Simplet. Qu’est-ce qui provoque cette… Merde ! Qu’est-ce que c’est…
-C’est Joyeux, chef ! Enfin le haut. Le bas, je sais pas !
La voix de Simplet ne semble pas affectée, au contraire de celle de Prof :
-C’est horrible ! Comment est-ce que…
Voix qui change très vite de registre :
-C’est frais, mon petit gars ! Ça veut dire qu’elle n’est pas loin… Elle est dans l’escalier intérieur ! Nous la tenons !
-Ouiii !
Nous entendons clairement leur pas précipités revenant vers l’escalier et attaquant la montée. N’ayant plus d’intérêt à me déplacer furtivement, je bondis sur mes jambes et me mets à courir.
-Elle pfff est pffff en haut !
-Ouaiiiii !
Le cri de Simplet a quelque chose de dément.
Prochain palier. De nouveau deux portes. Fermées toutes les deux. Le chaperon rouge me fait des signes :
-Vite, faut continuer !
Je la suis. Un croassement dans mon dos.
Le crapaud, il est tombé !
Je fais demi-tour et l’attrape.
Tu aurais dû le laisser !
Je reprends la montée.
Tu ferais mieux de te taire.
-Y a l’crap… l’maitre pfff avec elle !
-Deux prises alors. Pfff Nous nous ferons des cuisses de grenouille pfff pour fêter notre victoire !
 
 
Prochain palier. Une porte. Fermée. J’aurais dû m’en douter. Plus qu’un étage.
-J’espère que ce sera ouvert.
J’opine du chef à l’attention du chaperon rouge. J’ai l’impression que nous prenons un peu d’avance sur nos poursuivants. Nos plus grandes jambes sont un atout dans les escaliers.
 
-Je pense que pfff nous aurons bien mérité une petite pfff avance sur la consom pfff mation, mon petit Simplet !
-Oui, chef !
-Les autres pfff attendront pfff que nous en ayons pfff bien profité !
-J’aime bien c’plan pfff Prof !
 
Dernier palier. L’escalier s’arrête là. Le diamètre de la tour semble s’être resserré, le haut de la cage d’escalier partant en pointe. Une seule porte.
-J’espère…
Une pression sur le battant. Ça ne bouge pas.
-Tu es sûr de bien appuyer sur la poignée ? me demande précipitamment le chaperon rouge.
-Ben ou…
J’appuie un peu plus fort. La poignée s’abaisse et la porte s’ouvre dans un léger grincement. Le chaperon rouge me regarde de biais. Je rougis. Les voix des nains en bas me reconnectent avec la réalité. J’entre dans la pièce sombre, éclairée d’une faible lueur rouge provenant d’une meurtrière fichée dans le mur opposé. Une sorte de grenier. Contenant des tas de foin. Des sacs en toile remplis. Et une porte sur le mur opposé. Je me précipite dessus et la pousse. Elle ne bouge pas. Je tire. Idem. J’appuie de toute mes forces sur la poignée. Elle me reste dans les mains. Je regarde l’objet dans ma main, passablement hébétée.
-Ne reste pas plantée là ! Cherche une cachette !
Ecoutant le chaperon rouge, je lève la tête. Des tas de foins. Des sacs en toile remplis. Une porte de l’autre côté. Avec deux nains légèrement essoufflés sur le pas.
 
Le premier des deux à reprendre son souffle se met à sautiller sur place en rigolant et tapant dans ses mains. Je reconnais Simplet à son rire niais. Le second, Prof, s’élance alors en avant dans un grand hurlement rageur, le regard déformé par un mélange de colère, d’excitation et de perversité. Je tente de l’esquiver d’un pas chassé alors qu’il me bondit dessus, mais il s’accroche à mon capuchon et m’entraine en pivotant dans son élan.
De petits cris aigües proviennent de la porte d’entrée. Je ne sais pas où est passé le crapaud. J’écrase les doigts de Prof qui lâche le capuchon mais me saute à la gorge. Sa main droite difforme et immense compte tenu de sa petite taille m’enserre la gorge. Je sens quelque chose de dur qui grossi contre mon ventre, tandis qu’on essaye de m’enlever mon pantalon.
Griffe-le au visage !
Ou…oui !
Suffoquant, je lance mes doigts et ongles en avant, lacérant le sombre visage devant moi. Il hurle, relâchant son étreinte.
-Vas-y chef, c’est toi l’plus fort !
J’en profite pour dégager ma gorge et aspirer une grande goulée d’air.
-Tiens bon, Eden !
Ouai, vas-y, c’est toi la plus forte !
J’attrape sa barbe et tire violemment dessus.
-Aïe !
C’est tout ce que tu trouves à faire ?
Laisse-moi tran…
Il répond en avançant sur moi, me faisant tomber sur les fesses, et en m’adressant un coup de genoux dans les côtes.
-Ouiii ! Trop biiien !
Simplet semble être rentré dans une frénésie délirante, sautillant d’un pied sur l’autre en tournant sur lui-même et envoyant ses mains gesticuler dans les airs.
Une roulade sur le côté, je me relève à quatre pattes, tentant de faire fi de la douleur qui me coupe la respiration, et fonce tête en avant sur Prof. Ma tête heurte un objet dur et son ventre grassouillet, et je viens choquer son menton du haut du crâne en me remettant sur mes pieds. Il titube en arrière sur quelques pas, visiblement sonné, et tombe sur les fesses.
-Vas-y Eden !
Vas-y, achève-le !
Que… je…
Fonce, n’hésite pas !
Je…
Laisse-moi faire, alors !
Jamais !
Je me précipite en avant vers le nain maintenant allongé et qui semble sonné. Au moment où je me penche sur lui, il se réveille subitement, attrapant mes bras de ses grosses mains et, prenant appui avec ses pieds sur mon pubis, me catapulte derrière lui. Je vais m’écraser quelques mètres plus loin, la tête cognant contre le sol et un objet coupant m’entaillant la cuisse droite.
Un cri strident provient de quelque part :
-Ouîîî !!!
La tête me tourne. J’ai des flashs devant les yeux. Un liquide chaud et épais coule le long de ma jambe droite.
Je suis sonné.
Réveille-toi !
Je… je ne
Relève-toi !
Je tente de me mettre à quatre pattes, et m’effondre aussitôt. Des pas viennent dans ma direction. Je rampe, et tente une nouvelle fois. En vain.
-Petite peste ! Je crois pouvoir dire que tu nous as bien fait courir !
Je n’arrive pas à bouger. C’est fichu. C’est fini…
-Mais je dois dire que le plaisir n’en a été que meilleur.
-Ouîîî !!!
Non ! Jamais ! Laisse-moi faire.
A quoi bon. Tout est perdu !
 
 
Je rampe lentement et maladroitement, tentant d’échapper inutilement aux pas qui se rapprochent dans mon dos.
-Quelle sensation que celle du chasseur ! L’excitation de sentir la terreur de la proie ! Jamais je n’aurais cru connaitre cela !
Rien n’est perdu ! Ai confiance en moi !
J’espère seulement qu’ils iront vite, et que je ne souffrirais pas.
Abrutie ! Ressaisis-toi ! Ou laisse-moi faire !
-D’ailleurs, petite fleur, je vais te faire une faveur.
Une main m’agrippe la cheville gauche, m’empêchant de continuer à ramper.
Je… je ne sais pas…
Qu’as-tu à y perdre ?
-Si tu lèches mon auguste membre jusqu’à le polir et faire sortir la semence sacrée…
Je… oui ?
-…et que tu montres aussi gentille avec mes compagnons restants…
Oui ! Tu verras, tout se passeras bien.
-…peut-être me montrerais-je magnanime et pardonnerais-je tous tes méfaits.
Sûre ?
-Qu’en dis-tu, ma belle ?
Sûre.
-Oui.
J’entends les pas du nain qui me contournent, pour venir se planter devant moi. Je relève le buste et la tête, un sourire énigmatique aux lèvres, tandis que ma main glisse à ma ceinture et au couteau qui y est toujours accroché. Le sexe énorme, surmonté du visage confiant de Prof, apparait dans mon champ de vision. Visage qui tire subitement vers la surprise, alors que le sexe vole sur le côté, emporté par mon geste vif et précis. Un geyser de sang éclabousse mon visage. Le temps qu’une expression de douleur et de terreur ne s’inscrive sur le visage de Prof, je me suis déjà relevée, plantant la lame dans son cou. Je le retire rapidement, et le plante dans l’aine. Puis le ventre. Entre deux côtes, dans le dos. Et dans la bouche, alors qu’elle veut s’ouvrir pour lâcher un hurlement d’horreur.
Je retire le couteau, m’écarte de deux pas, et voit le cadavre de Prof s’effondrer en avant, pissant du sang de chacune de ses plaies.
Alors, tu vois ? Ce n’était pas si difficile ! Et maintenant, l’autre.
Je me tourne vers Simplet, qui se tient, ébahi, les bras ballants, sur le pas de la porte.
Non !
Je me précipite sur lui, tandis qu’il tombe à genoux, les mains jointes et dressées dans ma direction :
-Noooooon ! Pas moi !!! Pas moiii !
M’arrêtant à son niveau, je le regarde m’attraper la cape et monter son visage larmoyant vers le mien.
-Je t’en prie !!! Laissez-moi vivre !!! C’est pas moi !!
J’essuie lentement la lame du couteau sous son menton.
Arrête ça !
Pourquoi ?
Parce que !
-Pas moi !!! Moi, je suis gentil ! C’est eux qui me forcent à faire des choses méchantes ! Pas moi, S’il te plaiiit !
Tu es trop tendre !
-Je ne sais pas pourquoi tu hésites…
Surprise, je me tourne vers le chaperon rouge.
-Croâââ !
Tu vois, eux aussi ferais comme moi.
Mais je ne suis pas toi !
Tu l’as été l’espace d’un instant. Et ça t’a sauvé la vie.
-Je suis gentil ! C’est les autres qui sont méchants ! J’suis pas comme eux !
Qu’en sais-tu au final ?
Voile-toi la face si tu veux. Tu es bien trop niaise pour ce monde…

-J’peux vous guider ! Laisse-moi t’aider ! Ouiouioui !
Il arbore un grand sourire à travers son visage larmoyant.
-Conduit-moi aux bottes du maitre.
-Oui ! Je sais où c’est ! Oui !
On en reparlera plus tard.
On verra.
 
Simplet se lève brusquement et, m’attrapant la cape, me tire vers l’escalier intérieur.
-C’est par là ! C’est par là ! Suis-moi !
Je n’ai pas le temp d’attraper le crapaud qu’il m’attire dans l’escalier que nous dévalons à toute vitesse. Le chaperon rouge s’est porté à mon niveau, mais j’entends des sortes de borborygmes venant des sauts accélérés du crapaud, qui ne peut suivre notre rythme, résonner dans la cage d’escalier.
-Oui, suivez-moi, c’est par là !
Son ton mielleux et affable m’agace un peu.
Il est vraiment bizarre.
Oui.
-Tu ne le trouves pas bizarre ? me demande le chaperon rouge ?
-Si.
-Si, c’est moi. Simplet !
Nous atteignons la chambre à coucher du maitre, la traversons, et arrivons dans l’antichambre extérieur et son couloir-balcon.
-Elles sont là ! Elles sont là !
Simplet vient de grimper sur une petite caisse en bois et, en sautillant et gesticulant, indique l’autre côté. La contournant, j’aperçois en effet les bottes par terre, juste en bas de la caisse en bois. Je m’assieds et commence à enlever ma botte droite quand une voix ensommeillée se fait entendre :
-Ah, t’es là, Simplet ! Tu sais où sont les autres ?
Dormeur apparait dans mon champ de vision, et se fige. Son visage passe immédiatement de la léthargie à un éveil complet, menaçant et lubrique. Je me relève rapidement, ma capuche tombant à la renverse, et attrape le couteau poisseux de sang. Je me prépare à faire face lorsque le voix inquiète du chaperon rouge se répercute dans la pièce :
-Attention Eden, dans ton dos !
Je me tourne rapidement, pour apercevoir Simplet, debout sur la caisse, tenant son énorme sexe à deux mains, telle une épée, et l’envoyer percuter ma tempe gauche. Un choc violent avec un objet dur et mou à la fois, la tête qui tourne, le sol qui se rapproche trop rapidement. Et le noir complet.




Le temps d'un instant, par Bat.Jacl

Dans un endroit plat et lumineux, où l’on distingue l’horizon à perte de vue, une jeune femme convulse de douleur sur le sol. Elle se tortille avec ses deux mains plaqu&eacu…