Prologue: Les Héritiers de Drashes, par EcloEditions

Morty arriva doucement dans le salon, observant le corps presque sans vie de sa colocataire, allongée et enroulée dans le canapé. Le tout formait une pyramide de vêtements et de plaids qui semblait des plus intéressante à escalader et à surplomber pour montrer sa suprématie de chat de la maison.

Il commença d’abord par grimper sur la table basse, observant le visage de la jeune femme qui ronflait doucement, une moitié de son visage pressée dans le coussin, ses cheveux tombant sur l’autre… Elle dormait en position foetale ce qui permettait une ascension parfaite jusqu’à son épaule où il serait au point le plus haut, et au vu du soleil qui commençait à poindre le bout de ses rayons, il pourrait miauler directement dans son oreille pour qu’elle lui donne à manger.

Le plan semblait parfait.

Il se déplaça silencieusement pour arriver au niveau de ses pieds et sauta avec aisance sur le début de la montagne à escalader, il ronronna doucement alors que ses pattes commençaient à masser le tissu doux mais il fut stoppé par un bruit. Il se redressa, cherchant du regard la source de son dérangement, d’abord sa colocataire. Non. Elle dormait toujours, en se tournant même sur le dos.

Mince, adieu l’ascension de la montagne. Il s’assit sur son train arrière et continua d’observer, se tendant quand le bruit recommença pour ne pas s’arrêter. Il chercha du regard dans la pénombre jusqu’à tomber, enfin, sur la source du bruit.

Il sauta à nouveau sur la table basse pour s’approcher au plus de la bibliothèque, levant le museau vers l’étagère de laquelle émanait le son, il pencha la tête sur le côté, émettant une série de petits miaulements alors qu’apparaissait progressivement l’objet qui dérangeait ses plans. Il sursauta violemment quand le coffret en bois tomba avec un bruit sourd sur le parquet, faisant grogner Amelia dans son sommeil depuis le canapé.

- Morty…

Le chat miaula pour faire comprendre qu’il était innocent avant de sauter sur le sol. Il s’approcha doucement du coffret ouvert, laissant la pierre qui s’était échappée de son cocon en velours, sur le parquet. Morty continua d’avancer, clairement sur la défensive, vers ce drôle d’objet sphérique qui semblait trembloter. Un râle d’avertissement vibra au fond de la gorge du chat alors qu’il donnait un petit coup de patte à la pierre.

Celle-ci trembla de plus belle et Morty redressa la tête par-dessus la table basse pour voir si Amelia était témoin de la scène mais la jeune femme somnolait encore.

Un craquement fit se figer Morty, puis un autre et encore un autre. Le chat se tourna au ralenti vers la pierre qui se fissurait et s’ouvrait lentement, laissant voir ce qu’elle cachait à l’intérieur… Les yeux du chat s’arrondirent d’un coup. Qu’est-ce que c’était que ça ?

••• ••• •••

Ce furent les râles et les feulements de Morty qui sortirent vivement Amelia de son sommeil. Elle sursauta en se redressant rapidement, un éclair de douleur traversant l’arrière de ses yeux alors qu’elle s’asseyait sur le canapé, cherchant du regard son chat.

La pièce était faiblement éclairée par les premières lueurs de l’aube et elle mit quelques instants avant de trouver la source des feulements, juste de l’autre côté de la table basse.

Elle se pencha lentement vers Morty, le gros chat roux avait le dos rond et ébouriffé, feulant et crachant plus qu’Amelia ne l’avait jamais vu faire.

- Hey gros… Qu’est-ce qu’il t’arrive chat ? murmura Amelia en passant doucement et timidement ses doigts dans la fourrure de son dos.

Le chat sursauta de plus de belle, montrant ses crocs et prêt à la mordre ou à lui donner un coup de griffe mais il se radoucit en voyant que c’était elle. Son pelage s’aplatit un peu alors qu’il venait se lover contre la main de la jeune femme qui lui caressa tendrement l’arrière des oreilles.

- Qu’est-ce que c’était que cette petite crise ? Qu’est-ce qui t’a fait peur comme ça ?

Le chat émit quelques miaulements en tournant en rond, Amelia haussa un sourcil en s’asseyant complètement sur la table basse pour prendre son chat dans ses bras mais ce dernier s’empressa de fuir sur le canapé, jetant encore des œillades mauvaises à la bibliothèque. Amelia le regarda faire quelques instants, encore dans un brouillard de sommeil et d’alcool, avant que son regard ne dérive sur le sol où gisait le coffret en bois ouvert ainsi que la pierre ; elle soupira en se frottant les yeux.

Morty avait dû vouloir sauter sur le meuble et faire tomber la boîte au passage, il avait dû prendre peur au bruit…

Elle glissa doucement sur le sol, récupérant le coffret en vérifiant si le bois n’avait pas souffert de la chute, autant celui de la boite que celui du parquet ; merci le sol n’avait rien, elle allait sûrement avoir assez de réparations à faire si elle partait un jour.

Sans vraiment regarder, elle attrapa la pierre qui avait roulé près du meuble. Elle fronça des sourcils en soupesant la pierre, elle était moins lourde qu’à son souvenir. Beaucoup moins lourde.

- Qu’est-ce que…

Elle lâcha la pierre quand une substance visqueuse recouvrit ses doigts.

Un bruit creux fit écho quand elle toucha le sol, faisant apparaitre le trou qui avait été fait dans la structure, la rendant vide et creuse, l’étrange liquide gouttant doucement sur le sol.

Le cœur d’Amelia palpita un peu plus fort dans sa poitrine alors qu’elle se penchait en avant, allumant l’option lampe torche de son portable pour éclairer le sol encore trop faiblement éclairé par la lumière naturelle.

Le faisceau lumineux se refléta dans une trainée de la substance qui menait jusqu’en dessous de la bibliothèque et Amelia se pencha un peu plus pour voir ce qui se cachait en dessous du meuble. Une partie de son cerveau lui rappelait des passages du film Alien et elle pria pour que ce ne soit pas une créature dévoreuse de visage qui venait de naître dans son appartement… Derrière elle, toujours sur le canapé, Morty grondait sourdement, ce qui n’aidait pas à calmer les battements rapides de son cœur.

Elle observa avec attention l’espace sous le meuble, ne voyant rien au premier abord sauf des moutons de poussière, note à elle-même : passer l’aspirateur sous les meubles plus régulièrement.

La lumière fit briller des yeux jaunes.

Amelia échappa un cri en faisant un bond en arrière, son téléphone lui échappant dans l’action.

Il y avait vraiment quelque chose sous ce putain de meuble.

Elle prit un instant pour réfléchir, ça ne semblait pas très gros pour pouvoir passer sous la bibliothèque, mais Morty le faisait aussi de temps en temps donc ça voulait tout et rien dire en même temps… Dans tous les cas, Amélia était plus grande et sûrement plus forte, comme on le disait souvent ce n’était pas la petite bête qui allait manger la grosse… Mais cette chose sortait du caillou !

- Comme je te l’ai dit, je ne peux rien t’expliquer tant que ce n’est pas certain, tu sauras au moment venu.

- Et comment je saurai que le moment est venu ?

- Tu sauras, ne t’en fais pas.

Amelia se figea un instant quand les mots de sa grand-mère lui revinrent en mémoire.

Ça ne pouvait pas être une coïncidence.

La vieille dame n’avait pas pu juste dire des mots pareils sans savoir ce qui pouvait se passer, sans savoir qu’il y avait quelque chose, quelque chose de vivant dans cette pierre.

Les mains tremblantes, elle saisit son portable tombé au sol sans lâcher du regard l’endroit où elle savait que ce cachait la créature.

Elle chercha rapidement le numéro de téléphone de sa grand-mère dans le répertoire, qu’importe qu’il soit encore tôt, elle ne pouvait pas rester sans savoir ce qui se terrait chez elle. Elle patienta moins de temps qu’elle ne l’aurait cru, à peine trois tonalités et la voix de sa grand-mère se fit entendre dans son oreille.

- Amelia ?

- Mamie…

- Qu’est-ce qu’il se passe ma chérie ? Tu as vu l’heure ?

- Mamie, ce n’est pas une simple pierre.

Ce n’était pas une question et ce n’était clairement pas fait pour en être une, les pierres ne s’ouvraient pas pour laisser sortir des créatures. Elle cru voir un instant la chose bouger avant de se rétracter pour retourner se cacher ; Amelia échappa un halètement de frayeur alors qu’à l’autre bout du fil sa grand-mère restait silencieuse.

- Mamie, tu m’entends ? Ce n’est pas une simple pierre, ça…

- Quand est-ce qu’il a éclos ?

- Tu savais ce que c’était et tu ne m’as pas…

- Amelia. Quand est-ce qu’il a éclos ?

La voix de sa grand-mère était froide et autoritaire, faisant se figer légèrement Amelia comme une enfant prise en flagrant délit de vol de bonbons.

- Je… Je ne sais pas… Peut-être dix minutes… Je dormais et c’est Morty qui m’a

réveillée… Ça a dû lui faire peur… Qu’est-ce que c’est ?

[…]

- Tu le vois ?

La jeune femme hocha de la tête avant de se rappeler qu’elle était au téléphone et donc qu’elle ne la voyait pas. Elle se racla un peu la gorge, les yeux toujours rivés sur la créature qui regardait autour d’elle anxieuse et curieuse en même temps.

- J… Oui… C’est… Un gros lézard ?

- Amelia, ma chérie, c’est un dragon.