Concours de nouvelles : Arbre, par information.the.root.book

Salutations à tout·e·s, Êtes-vous prêt·e·s à vous lancer dans une aventure littéraire hors du commun ? 🚀 The Root Book lance son premier…




Chapitre 1: Camping très sauvage, par Marieno

Partie 1





— Rappelle-moi, pourquoi on n’a pas pu prendre le mini-van de ton père ? grogna Alex, tandis qu’il enfilait avec difficulté les arceaux de la tente dans la doublure en nylon.


— Peut-être parce que la dernière fois que je l’ai emprunté on s’est plantés dans le sapin de Noël, place de la mairie ? lui répondit Benjamin avec un ton faussement détaché.


A l’évocation de ce souvenir, le troisième jeune homme occupé à décharger la Panda grise éclata de rire à en faire tomber ses lunettes au sol.


— Ouais, on avait peut-être un peu abusé, ce soir-là. En même temps, il n’y a rien à faire dans notre trou perdu ! Je suis plutôt fier de nous, notre exploit sera raconté comme un événement extraordinaire aux prochaines générations.


Et il déposa délicatement deux packs de bières à ses pieds.


 


C’était la première fois que la joyeuse compagnie se lançait dans un week-end de camping et leur organisation précaire trahissait clairement leur manque d’expérience. Ils avaient souvent dormi à la belle étoile, ça oui, mais plus par nécessité que par romantisme. Se réveiller allongé sur le sol terreux de la cour d’un copain, à quelques mètres de sa voiture, ne voulait dire qu’une chose : Quelqu’un tenait encore assez à leur vie pour leur avoir confisqué les clés à un moment donné… 


Les trois amis se connaissaient depuis leur entrée au lycée et avaient collectionné pas mal d’anecdotes amusantes à raconter. 


Le shérif de leur petite ville, lui, manquait cruellement de sens de l’humour et ne semblait pas apprécier leurs apparitions trop fréquentes dans son bureau.


 


Alex se passait les doigts dans sa fine barbe rousse d’un air perplexe.


— Willem, c’est toi qui as les sardines ?


— Dans la glacière verte, derrière toi…


— Mais non, je te parle des piquets de la tente, Ducon ! Benjamin, t’es sûr que c’était une bonne idée ce camping sauvage ? Il n’y en a pas un capable de monter une tente correctement. Willem n’ a prit que des trucs à boire, il va falloir chasser du cerf pour manger! Il fait humide et il y a peut-être des ours ou des machins dans le genre dans ce bois…


Le jeune homme interpellé lui jeta un regard amusé.


— Mais c’est qu’il a peur notre Alex ! C’est la première fois que tu dors sans ta maman, ou quoi ? Allez, arrête de chouiner et laisse tomber les piquets, on balancera nos sacs de couchage à l’intérieur. Avec le poids, elle ne va pas s’envoler, ta tente… 


Il posa ses mains sur ses hanches et regarda autour de lui avec satisfaction. Willem ne tarda pas à lui tendre une bière et se plaça près de lui en admirant le sous-bois qui les entourait. De gros sequoia côtoyaient les troncs plus frêles des pins blancs. Certains bouleaux avaient été arrachés par une récente tempête dans la région. Leurs tronc reposaient encore sur les branches de leurs camarades dans un léger grincement. Le son du vent caressant les feuilles avait un effet relaxant sur les amis.Alex termina son installation et rejoignit ses camarades avec la fierté d’un randonneur perché sur la cime d’une montagne.


Ce moment d’accalmie fut interrompu par la sonnerie du téléphone de Willem.


— Ouais… C’est pas difficile, avancez tout droit, vous allez nous voir, on a une tente rouge, vous n’allez pas la louper… Bon d’accord je marche dans votre direction.


— C’était qui ? demanda Alex, quand son ami eut raccroché.


— Tu vas être content, j’ai réussi à convaincre ma cousine Emma de nous rejoindre pour le week-end. Elle vient avec sa copine Sara, c’est pas celle qui te plaît ? Tu vas peut-être enfin arrêter de faire la gueule…


Il s’enfonça dans la forêt sans attendre la réponse d’Alex qui n’avait pas apprécié le sous-entendu et revint un peu plus tard accompagné des deux jeunes filles. De toute évidence, elles non plus, n’étaient pas habituées aux expériences immersives en pleine nature. Vêtues de courtes robes, elles avaient cependant évité de porter des talons et avaient opté pour des converses d’un blanc immaculé.


Emma se frottait une cheville griffée par un buisson de ronces, tandis que Sara déployait son foulard pour se couvrir les épaules. Il faisait vraiment frais dans cette partie de la forêt et les derniers rayons de soleil disparaissaient derrière les plus hautes cimes des arbres.


Alex se proposa de monter la tente des deux jeunes recrues, ce qui amusa ses camarades. Quarante minutes plus tard, ils étaient tous assis en tailleur, un sac plastique sous le derrière pour ne pas être en contact direct avec la terre et tentaient d’allumer un petit feu de camp. 


Willem ouvrit la fameuse boîte de sardines et ils se partagèrent deux paquets de pains à hot dog que les filles avaient eu la bonne idée d’emmener. Il y avait peu à manger et un peu trop à boire… 


— Emma, tu peux venir avec moi s’il te plait ? Il faut que j’aille me repoudrer le nez…


Willem regarda Sara, surpris.


— Tu dois quoi ?


— Elle doit aller pisser, on doit te faire un dessin ? s’agaça Emma.


Elle se leva, prit son amie par le bras et l’accompagna à l’écart du groupe, à la lumière d’une torche.


— On devrait peut-être les accompagner ? suggéra Alex, en les regardant s’éloigner du campement en titubant légèrement.


— Ah, c’est sûr qu’avec toi, elles vont se sentir vachement plus en sécurité ! se moqua Willem.


— Laisse-les faire pipi tranquilles, vieux pervers ! renchérit Benjamin.


De nombreuses minutes passèrent, durant lesquelles les garçons finirent les paquets de chips sans se soucier d’en laisser à leurs compagnes d’aventure. De temps à autre, ils entendaient un cri d’animal nocturne, dont nos trois citadins ignoraient la provenance. Ils faisaient tous semblant de ne pas l’avoir entendu et parlaient ou riaient plus fort dans l’espoir de faire fuir la bête en question.


Willem finit par se lever en se frottant le derrière.


— Bon, elles sont où les filles ? Elles devraient être revenues, là, non ?


Il saisit son téléphone pour appeler sa cousine, mais se retourna avec terreur lorsqu’une main glacée se posa sur son épaule.


— Oh putain, Emma tu m’as fait peur !! Vous en avez mis du temps !!


Les deux filles éclatèrent de rire et se mirent à imiter la réaction du grand gaillard. Enfin, la frêle Sara prit la parole :


— On cherchait un buisson un peu large pour faire ce qu’on avait à faire sans être dérangées, quand on a vu un arbre… Magnifique ! Le tronc était torsadé comme un chiffon qu’on essore, c’était incroyable ! Et puis les branches étaient si grosses et basses qu’on aurait pu largement s’installer dessus avec nos sacs de couchages et y passer la nuit, en mode Mowgli et Bagheera ! Bref, on a fait pipi sur ses racines et puis on s’est rendues compte que derrière, à quelques mètres, il y avait une vieille bâtisse, on aurait dit une école, un hospice ou un truc du genre parce qu’il y avait des fenêtres partout. 


— Ouais, l’interrompit Emma. S’il se met à pleuvoir cette nuit, on saura où aller s’abriter…


— Oh non, pas moi, j’ai pas envie d’y mettre les pieds perso… s’opposa immédiatement Sara.


Benjamin saisit sa torche et se leva à son tour, en défroissant ses vêtements.


— Bon allez, c’est l’heure de la petite visite touristique, les enfants ! Prenez vos sacs à dos, vos gourdes, et n’oubliez pas les casquettes ! lança-t-il à la troupe avec une voix haut perchée, comme s’il appelait sa classe de CP à se mettre en file devant lui.


Si certains accueillirent la proposition de la “maîtresse barbue” avec enthousiasme, d’autres suivirent le groupe, plus par peur de rester seuls que par réelle envie de réaliser un Urbex nocturne en pleine forêt…


 




Chapitre 2: Maison perdue cherche visiteur, par MaxP

— C’était si loin que ça ? demanda Sara. Je ne me souviens pas avoir mis tant de temps tout à l’heure…


— Tu rigoles ? rétorqua Willem. Vous avez mis une plombe ! Pourquoi tu crois qu’on a attaqué les chips, hum ? On avait la dalle à force de vous attendre.


— Ouais, d’ailleurs, merci… on s’en rappellera… pesta la jeune femme. C’est quoi cette organisation bancale, sérieux ? Vous prenez rien à bouffer pour un camping, vous ? 


— Et on dit merci à qui ? tacla Alex. Merci Willow ! 


— Rooooh ça va… lâchez-moi la grappe ! Et toi, arrête de m’appeler Willow, tu sais que j’ai horreur de ça, face de pet ! 


— Calmez-vous les enfants… soupira Benjamin. Ça fait tout juste cinq minutes qu’on est dans les bois et vous voulez déjà vous étriper… 


Puis il compléta sur un ton plus léger : 


— C’est déjà pas si mal d’être au grand air, non ? Respirez-moi cette bonne odeur de verdure et profitez un peu de l’ambiance nocturne ! Me dites pas que ça ne change pas nos habitudes. Allez, pétez un bon coup, respirez… Mais pas les deux en même temps… Vous verrez, ça va aller tout seul.


— Ouais, renchérit Emma, d’autant plus qu’on est arrivés. 


Le groupe venait de traverser des fourrés et de remonter un petit chemin de terre, en s’éclairant de leurs torches. Désormais, les amis débouchèrent sur une clairière dégagée. On aurait dit que de nombreux arbres avaient été volontairement abattus. Un seul tenait encore debout. Il était identique à la description que les filles en avaient faite. Sur des branches bien plus hautes, on pouvait même imaginer la construction d’une cabane ou la suspension de linge, de cordes de balançoire, etc… Ses racines, visibles et noueuses, sortaient de terre et formaient une sorte d’escalier boisé. L’ensemble dégageait une drôle d’aura, à la fois fascinante et inquiétante. Aucun d’entre eux n’avait vu de chose pareille auparavant. 


— Vous trouvez pas qu’il est chelou ? questionna Alex.


— Chelou, comment ? demanda Emma.


— Je ne sais pas… Je le sens pas. 


Alex ne quittait pas l’arbre des yeux, comme s’il s’attendait à voir quelque chose en sortir. Une sorte de terreur pouvait se lire dans son regard.


— Ah bah d’accord… Nous qui pensions vous faire découvrir un truc sympa, toi, tu trouves ça flippant, se moqua Sara.


— C’est pas qu’il est flippant. C’est juste qu’il me met mal à l’aise… Pas vous ?


— T’es vraiment qu’un trouillard, ma parole… s’amusa Benjamin, attrapant son pote par les épaules et lui frottant la tête. Tu vas pas te pisser dessus quand même ?


— Qu’est-ce que tu peux être con ! rétorqua Alex, en se dégageant de l’étreinte.


— Bon, on va la voir cette baraque, ou quoi ?! s’exclama Willem, en pointant du doigt la maison qui leur faisait face à quelques mètres. 


Les cinq s’approchèrent et balayèrent les alentours de leurs lampes. Ils purent alors apprécier le décor avec plus de précision. La demeure, toute en longueur et en bois vermoulu, avait un aspect assez rustique. Elle donnait même l’impression d’avoir été abandonnée depuis plusieurs années. Elle comportait un étage avec de nombreuses fenêtres alors qu’une trappe extérieure cadenassée semblait mener à une cave. Trois marches permettaient d’accéder à un porche qui faisait tout le tour de la maison et sur lequel plusieurs rocking-chairs délabrés attendaient qu’on vienne les utiliser à nouveau. Les vitres du rez-de-chaussée étaient recouvertes de papier journal.


— Venez, on entre ! suggéra Benjamin, dont les yeux trahissaient l’excitation. 


— T’es complètement fou ? hoqueta Sara. Jamais de la vie je fous les pieds là-dedans… Je ne sais même pas pourquoi je vous ai suivi.


— Fais comme tu veux. En attendant, moi, j’y vais. Les mecs, vous venez ? 


Willem et Alex échangèrent un regard avant de décider, d’un hochement de tête réciproque, d’emboîter le pas à leur chef autodésigné. 


— Ah bah bravo ! Super la galanterie… souffla Sara. 


— Allez, viens. Tiens-moi la main, proposa Emma. 


Tout le petit groupe venait de pénétrer dans l’enceinte de la maison. L’intérieur n’était pas en meilleur état que la devanture. De la tapisserie délavée se décollait un peu partout dans le couloir d’entrée. Sur la droite, des portes battantes menaient à une cuisine crasseuse avec un sol en damier collant. 


— Vous sentez ? Ça pue, non ? s’inquiéta Sara, en se pinçant le nez. 


Une forte odeur métallique planait dans l’air. 


— Ça me rappelle quelque chose… ajouta-t-elle. Du s… 


Les filles portèrent une main à la bouche.


— En même temps, répliqua Benjamin, si c’est bien un hospice, on peut imaginer n’importe quoi. Je suis sûr qu’il a dû se passer des choses bien dégueulasses, là-dedans. Un vieux qui s’étouffe en mangeant, un autre qui tombe et s’éclate le crâne… Ou pire !  


Le barbu ricana.


— Un psychopathe qui les égorge tous, un par un ! 


— Berk ! C’est répugnant ! objectèrent les quatre autres, à l’unisson. 


— Bah quoi ? s’étonna le leader. Vous n’aimez pas mes histoires ? 


— C’est facile pour toi, Ben… T’as toujours dit que tu voulais être chirurgien. Le sang, c’est une broutille.


— C’est vrai… Mais ça n’a strictement aucun rapport… releva Ben. Soit on a des tripes, soit on n’en a pas ! 


Les jeunes gens, un peu choqués de l’attitude de Benjamin, poursuivirent leur progression. À gauche, ils trouvèrent un immense salon avec des meubles protégés par des bâches poussiéreuses. La peinture des murs aux teintes vert canard avait perdu sa fraîcheur et s’écaillait. Par endroits, il y avait même des trous révélant la structure interne de la maison. Comme si on y avait donné de grands coups. Les planches à moitié pourries étaient recouvertes de moisissure et de traces de dents et de griffes. Lorsque Sara promena sa lampe sur l’un des trous, elle crut apercevoir un rat s’y engouffrer.


— Putain !! hurla-t-elle. C’est dégueulasse ! 


Enfin, tout au bout du couloir, un renfoncement accueillant un vieux bureau poussiéreux leur faisait face. En s’approchant, ils remarquèrent qu’un escalier montait et qu’une seconde trappe descendait vers le sous-sol. 


— Alors, prêts pour une petite exploration ? proposa Ben. On se sépare en trois groupes ? Un au rez-de-chaussée, l’autre à l’étage et le dernier à la cave, ça vous va ?


— Au cas où tu ne saurais pas compter, Einstein, on est cinq… riposta Sara. Comment veux-tu qu’on constitue trois groupes égaux ? L’un d’entre nous va forcément être seul… Perso, je m’y risque pas, on dirait trop le début d’un mauvais film d’horreur… 


— C’est bon, je m’y colle… pouffa Willem. Mais je vous laisse la cave. Ben, fais attention à ma cousine, je te la confie. 


— Tu peux me faire confiance… répondit Benjamin, rictus sur les lèvres.


— Et si je voulais être avec elle ? s’offusqua Sara.


— Ma belle… tu l’as dit toi-même, on dirait le début d’un mauvais film d’horreur. Alors vaut mieux que vous soyez accompagnées de mâles courageux… 


Benjamin venait de lancer son spitch sans lâcher Alex du regard. Il le conclut d’une œillade à laquelle l’intéressé répondit par un doigt d’honneur.


— Bref… si on se magnait un peu, hein ? pressa Emma. 


Ils se séparèrent pour couvrir plus de terrain. D’un côté, Willem se dirigea vers le salon. De l’autre, Alex et Sara montèrent à l’étage. Enfin, Ben et Emma empruntèrent la trappe.


Ces derniers trouvèrent une volée d’escaliers qui les amena au sous-sol. S’éclairant toujours de leurs torches, ils découvrirent que les murs étaient faits de briques lourdes et solides, contrairement au reste. Les toiles d’araignée qui couraient sur les canalisations poisseuses et tordues rendaient la descente encore plus glauque. Arrivant devant une porte lourde, Benjamin actionna la poignée d’un geste vif.


— On a de la chance, c’était pas verrouillé, annonça-t-il.


— Youpi… Tu m’en vois ravie, ironisa-t-elle. 


Un frisson saisit aussitôt les explorateurs qui ne s’attendaient probablement pas à tomber sur une chambre froide fonctionnelle. Voilà qui expliquait le bruit des moteurs et le souffle froid qu’il leur chatouillait la peau. 


— Si tu veux mon avis, lança Ben, projetant le faisceau de sa lampe sur son visage, ce devait être le garde-manger. C’est là qu’on gardait les carcasses sanglantes et tout. 


— Décidément, tu sais comment parler aux femmes, toi… 


En tâtonnant sur le mur collant, Emma trouva un interrupteur, qu’elle tenta d’actionner, sans succès. La pièce resta plongée dans la pénombre. 


— Si ça te dérange pas… j’aimerai autant qu’on ne s’attarde pas trop ici… suggéra-t-elle. 


— Quoi ? On est pas bien, là ? Moi j’aime assez… affirma Ben.


La jeune femme n’avait pas tout de suite remarqué la fragrance qui envahissait l’espace. Le mélange d’une odeur ferreuse, comme à l’étage et d’une autre, plus forte, qu’elle n’arrivait pas à identifier. Elle s’en rendit compte quand la lumière de sa lampe éclaira ce qui ressemblait à des entrailles, dans un coin. Retenant un haut-le-cœur, elle porta une nouvelle fois sa main à la bouche. 


— Je crois que je vais être mala… 


Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’elle remarqua qu’un peu plus loin, sur sa droite, quelque chose remuait sous une montagne de déjections. Voilà ce qu’elle avait senti. Guidant la torche, elle finit par s’apercevoir qu’il s’agissait d’un homme… ou peut-être une femme. C’était difficile à dire. Dans tous les cas, la personne était très mal en point. Cadavérique et nue, elle tremblait. Mais le plus inquiétant était les traces de morsures à même les cuisses et les bras, comme si des morceaux entiers de chair avaient été arrachés. Pire encore, ses mains et ses pieds avaient été sciés… 


Cette fois, la jeune femme n’y tint plus et alla vider le contenu de son estomac dans un coin de la pièce. Benjamin, resté en retrait, n’avait rien vu de ce spectacle horrifique. 


— Quoi ? T’as vu un cafard ? 


— N… Non… Il faut qu’on aille chercher les autres et qu’on se barre, immédiatement. C’est horrible ! 


Le jeune homme s’approcha à son tour et découvrit l’abomination, mais ne broncha pas. Il ne dit rien non plus quand, dans son dos, Emma se dirigea vers la sortie. Soudain, la lampe de Benjamin s’éteignit, offrant plus de terrain à l’obscurité. Un bruit sourd retentit et attira l’attention d’une Emma inquiète.


— Ben ! Qu’est-ce que tu fous ?! Allez, on bouge ! supplia la jeune femme. C’est bon… ça ne m’amuse plus du tout. On n’aurait jamais dû venir. 


Sa respiration se faisant de plus en plus saccadée, elle pleurait de panique. Quand Willem lui avait proposé de se joindre à lui, jamais elle n’aurait imaginé un truc pareil. Un week-end en forêt avec de la bière et quelques garçons… Okay. Mais tomber sur un corps mutilé, à peine vivant et baignant dans des excréments… C’en était trop. Elle se sentait oppressée, de plus en plus acculée. Comme si une ombre pesante l’engloutissait petit à petit. Une peur sourde s’immisçait dans son esprit.


— Putain ! Mais c’est quoi ce plan foireux, encore ?! 


Voulant fuir à tout prix, elle se força à retrouver le barbu et finit par le voir couché sur le ventre, les yeux clos, la bouche ouverte. Elle comprit que quelqu’un venait de l’assommer. Ils n’étaient pas seuls. Fallait-il qu’elle parte ou qu’elle porte secours à Benjamin ? Elle ne savait pas… Finalement, elle n’eut pas le temps de trouver la réponse. Un premier coup, venu des ténèbres, la sonna et lui fit lâcher la lampe dont le verre se brisa. Elle titubait, manquant de tomber. Après le deuxième coup, plus violent, elle chuta, se retrouvant désormais sur les fesses et luttant pour rester consciente. Du sang coulait de l’arrière de son crâne. Le faisceau vacillant lui révéla l’horreur qui allait se jouer… 


Plusieurs silhouettes terrifiantes se détachèrent des recoins sombres de la pièce. Déformées et à quatre pattes, elles se dirigèrent vers elle, à toute allure. Impuissante, Emma sentit des mains la maintenir en place pendant que des dents se plantaient dans son corps pour la déchiqueter. Elle se faisait dévorer par des créatures qu’elle ne discernait pas. La porte de la chambre froide se referma alors, y confinant ses hurlements de terreur. 


Elle servait de plat de résistance… et elle n’y pouvait rien. Personne n’y pouvait plus rien. Personne n’avait la moindre idée du sort funeste qui était maintenant le sien… Pourquoi avait-il fallu qu’elle accepte de rejoindre son cousin ? se demanda-t-elle quand elle sombra pour de bon alors qu’une mâchoire lui arrachait la trachée. Il ne resta bientôt plus d’elle qu’un tas de viande sanguinolent et informe…




Chapitre 3: Cauchemar épicurien, par Caius_OGara

Alex et Sara avaient emprunté un escalier lugubre pour rejoindre l’étage. Les vieilles marches en bois étaient pour la plupart rongées par le temps et les mites. Leurs pieds s’enfonçaient au travers des planches pourries, alors le jeune homme tendit sa main à Sara, qui ne se fit pas prier pour la saisir.


Tandis qu’ils progressaient lentement, à la lumière de la torche qu’Alex tenait dans sa main gauche, un pied de la jeune fille passa au travers de l’une des marches et elle faillit tomber à la renverse. Fort heureusement son binôme la retint aussi fort qu’il put, lui évitant ainsi de se rompre le cou.


— Ouf ! Merci Alex ! J’ai vraiment cru que j’allais y passer.


— Pas de soucis. Je te tiens ! dit-il en souriant, tel un preux chevalier.


De peur de traverser à nouveau les marches, ils redoublèrent de vigilance, puis arrivèrent enfin sur le palier.


Devant eux se trouvait un long couloir dont les murs, par endroit, avaient été démolis, laissant apparaître les pièces de l’autre côté. À la lumière de la torche, les deux jeunes distinguèrent cinq portes fermées, dont l’une n’avait visiblement plus de poignée.


— Bon… si tu veux on peut fouiller chaque pièce, suggéra Alex.


— Cet endroit me fout vraiment la chair de poule… Tu crois que c’était quoi ici ? interrogea la jeune femme.


— Je suis pas sûr, mais je dirais que ça devait être des chambres.


— Tu crois ? C’était vraiment petit pour un hospice. Ou c’était autre chose…


— Je suis pas un expert, mais je sais que ma grand-mère avait été placée dans ce genre de maison où il y avait peu de résidents. Alors ouais, ça coûtait un peu la peau des fesses, mais au moins les soins étaient à la hauteur.


La jeune fille sembla réfléchir un instant.


— Mouais OK, ça se tient. Ça devait être un hospice de bourge quoi.


Alex voulut répondre quelque chose, puis il préféra se raviser.


— OK… Allez, on va voir la première pièce à gauche.


En avançant, il dirigea sa lampe torche vers le trou dans le mur pour tenter de voir quelque chose de l’autre côté, mais il n’aperçut rien du tout. Le jeune homme tourna alors la poignée, marqua un léger temps d’arrêt, puis poussa enfin la porte.


Par chance, la pièce était totalement vide, mais une odeur putride flottait dans l’air.


— Pouah ! Qu’est-ce que ça chlingue ici, on dirait que quelqu’un a fait ses besoins dans un coin.


Alex balaya la pièce rapidement avec le faisceau de la torche et remarqua quelque chose d’étrange au sol.


— Tiens, c’est quoi ça ?


Il avança alors de quelques pas et se baissa pour ramasser un bout de papier.


— Qu’est-ce que c’est ? interrogea Sara, intriguée.


Le jeune homme dirigea la lampe sur ce qu’il venait de ramasser, pour le montrer à son équipière.


— Je crois bien que c’est un morceau de permis de conduire. On voit plus grand-chose dessus à part le nom. Gloria Taylor.


Sara eut soudain un mouvement de recul.


— Tu déconnes ? Dis-moi que tu déconnes !


— Ben non. C’est écrit dessus, regarde.


La jeune fille prit alors le temps de bien l’observer et leva les mains au ciel.


— Mais qu’est-ce qui te choque là-dedans ? Tu la connais ?


— Si je la connais ? Mais enfin, tout le monde la connaît dans notre bled paumé. T’as jamais entendu parler de cette lycéenne qui avait disparu après une soirée bien arrosée au Red Rock.


Alex fronça les sourcils pour faire mine de réfléchir, mais il ne connaissait vraiment pas cette histoire.


— Je sais que je vais avoir l’air con et inculte. Mais non, ça ne me dit rien.


— Elle a quitté ce bar de pouilleux après avoir bu plus que de raison. Tout le monde a pensé qu’elle s’était plantée avec sa bagnole. Le problème, c’est que la police ne l’a jamais retrouvée. Ni elle ni sa caisse.


Les deux se regardèrent alors, comme s’ils venaient d’avoir une illumination.


— Putain je sais pas ce qu’on vient de découvrir ici, mais ça craint. Ça craint vraiment. Faut qu’on se casse. Je veux rentrer chez moi ! s’exclama-t-elle, nerveusement.


Alex posa ses mains sur les épaules de Sara pour la calmer.


— Tout va bien. Ne t’inquiète pas. Y a personne ici à part nous. Et pour le permis, peut-être qu’un vagabond l’a trouvé et a ensuite passé une nuit ou deux ici. C’est pas impossible.


La jeune femme tentait de respirer lentement pour se détendre.


— Ouais… t’as raison, c’est sûrement ça. Je suis conne de flipper comme ça.


— Mais non, dis pas ça. J’avoue que l’endroit n’est pas le plus gai que j’ai vu. Ça foutrait les boules à n’importe qui.


— OK. On va voir l’autre pièce en face ? proposa Sara.


Ils sortirent alors, puis se dirigèrent dans la chambre juste de l’autre côté. Cette fois, il y avait un vieux lit en métal et un matelas plein de poussière dont les ressorts avaient percé le tissu par endroit.


— Beurk ! Jamais de la vie je dormirai là. Même si on me paye une fortune ! lança Sara en faisant une moue dégoûtée.


Alex ne répondit pas et continua de scruter le reste de la pièce. Il ne remarqua rien de particulier. Il suggéra donc de passer à la chambre suivante.


La troisième porte était justement celle qui n’avait plus de poignée.


— On peut pas entrer dans celle-là, laisse tomber, dit la jeune fille en avançant vers celle d’après.


— Je vais quand même essayer, rétorqua Alex.


— Et tu comptes t’y prendre comment ? Tu vas quand même pas…


Avant même qu’elle ait le temps de finir sa phrase, le rouquin avait enfoncé la porte en donnant un bon coup d’épaule. Le bois à moitié pourri avait bien aidé notre ami qui avait pu arracher les gonds, sans trop forcer.


— Waouh… quel homme, ironisa Sara en souriant.


Alors que les deux jeunes gens commençaient à se taquiner, ce qu’ils découvrirent dans la chambre fraîchement ouverte les fit pâlir en un instant.


Devant eux on apercevait deux matelas, à même le sol. Sur le premier, placé au centre, se trouvait ce qui semblait être un tronc humain. Alex s’attarda sur le corps et ne sortit de sa stupeur que lorsqu’il entendit du bruit, non loin d’eux. Contre le mur, il y avait un second matelas sur lequel ils aperçurent un deuxième cadavre. Derrière lui, son équipière venait de comprendre…


— Pu… putain. C’est quoi ce délire ? s’interloqua Sara, mais c’est… c’est des macabés !


Alex s’avança alors vers le second corps. Complètement dénudé, l’on pouvait voir de longs cheveux noir et poisseux collés sur la nuque et le dos. Une fois plus près, le jeune homme constata, avec effroi, que la personne n’avait plus de jambes ni de bras. Par réflexe, il se baissa pour mieux observer. Mais lorsqu’il avança le visage, la personne qu’il croyait morte bougea la tête.


Il poussa alors un cri et tomba en arrière.


— Elle est vivante, Alex ! s’écria Sara.


Ensemble, ils rassemblèrent leur courage et retournèrent le corps de la malheureuse sur le dos. Son visage était creusé et ses yeux livides, mais elle respirait.


Soudain, la femme ouvrit la bouche.


— Ai… dez. Aidez… moi.


— On va vous sortir d’ici ! On va trouver des secours et ils vont vous tirer de là, s’exclama Sara, paniquée.


Alex était littéralement figé devant la pauvre fille qui agonisait sur le matelas. Il était incapable de faire quoi que ce soit.


— Alex ! Alex ? Putain réveille toi !


— Ouais. Oui on va chercher de l’aide.


Les deux jeunes gens se redressèrent et se ruèrent dans le couloir, mais en passant devant la première chambre, celle avec le mur défoncé, Alex crut apercevoir quelque chose bouger à l’intérieur et s’arrêta, mécaniquement.


— Qu’est-ce que tu fous ? demanda Sara.


— Je sais pas. Il m’a semblé voir quelque chose là-dedans.


Il ouvrit alors la porte et lorsqu’il passa le bras pour éclairer la pièce, quelque chose l’agrippa si fermement qu’il perdit l’équilibre et s’affala de tout son long sur le ventre. Le choc lui coupa le souffle et il lui fallut plusieurs secondes avant que la douleur ne remonte jusqu’à son cerveau.


Oh non, ce n’était pas la blessure de la chute qui lui fit écarquiller les yeux, mais bien le moment où il réalisa qu’on était en train de lui arracher le bras…


La lampe torche avait roulé à quelques dizaines de centimètres de lui et éclairait maintenant le mur sur sa droite. Il ne distingua rien qu’il pouvait identifier, si ce n’est une forme vaguement humanoïde qui s’acharnait sur lui.


Son instinct de survie le submergea alors et il se mit à hurler comme si cela ferait fuir son agresseur. Mais la chose qui venait de le démembrer à coups de mâchoire était recluse dans un coin de la vieille chambre pour profiter de son repas. On l’entendait déchirer la chair et l’avaler goulûment.


Malgré la douleur, Alex rassembla ses forces et trouva le courage de se relever. Avec le bras qu’il lui restait, il récupéra la torche et la pointa vers ce qui venait de l’attaquer. Là, quelle ne fut pas sa surprise... Il s’attendait à voir un animal sauvage, mais à la place, c’est un gamin qu’il découvrit. À première vue, le petit garçon devait avoir une dizaine d’années tout au plus. Il fit un pas vers lui, mais l’enfant le fixa du regard. Des lambeaux de chair pendouillaient de sa bouche et du sang encore frais coulait le long de son cou. Il resta là, immobile de longues secondes, jusqu’à ce qu’Alex fasse encore un pas. Cette fois, le garçon ouvrit la bouche si grand, qu’il laissa apparaître des dents aussi aiguisées que des couteaux. Il se mit ensuite à hurler et un son strident sortit de sa gorge, pétrifiant sur place le jeune homme.


Alex respira un bon coup et se mit à courir aussi vite qu’il put en direction des escaliers. Là, il enjamba les marches quatre à quatre, et lorsqu’il arriva en bas, il découvrit le corps inerte de Sara. La malheureuse avait tenté de fuir en voyant que son compagnon venait de se faire attaquer et elle avait oublié que les vieilles planches étaient fragiles, tout comme elle. Elle avait trébuché et s’était brisée les cervicales. Ses yeux encore ouverts fixaient le plafond, alors qu’elle était allongée sur le ventre…


Il passa par-dessus son corps, et malgré le sang qu’il avait perdu, se remit à courir dans les couloirs du rez-de-chaussée dans l’espoir de retrouver le reste de ses amis.




Chapitre 4: Le repas de famille, par MarietteCZT

Willem s’était dirigé vers le salon, mais n’avait rien trouvé d’intéressant. Il poursuivit son expédition en explorant la cuisine au sol en damier. Une substance nauséabonde se collait sous ses chaussures à chacun de ses pas. Au milieu de la cuisine se trouvait une immense table, qui devait servir de plan de travail à en croire les traces de coup de couteau réparties çà et là. Tout le mobilier semblait aussi vieux et abîmé que le reste de la maison. La cuisine donnait sur un couloir sur la gauche qui semblait mener au reste de la maison encore non exploré. Willem réalisa que le silence pesant de la pièce était brisé par un bruit d’un moteur. Celui du frigo. Comment ce vieux réfrigérateur pouvait encore tourner ? Curieux, il remonta ses lunettes sur le nez et activa la poignée grise. Le jeune brun faillit rendre tout le houblon coincé dans son estomac lorsqu’il découvrit des mains et des pieds humains emballés dans des sachets plastiques. Certains étaient petits, d’autres poilus. Plus son regard descendait à travers les rayons, plus l’horreur grandissait. Deux têtes d’humains étaient posées, tels des trophées de chasse, sur des assiettes pour éviter que le sang ne coule jusqu’au bac à légumes rempli d’entrailles et de morceaux de cerveau.


N’y tenant plus, le jeune homme ferma le frigo et vomi dans l’évier en inox juste à côté. Il recula, s’éloignant le plus possible de sa découverte morbide. Derrière lui se trouvait une fenêtre, donnant sur la partie de la cour où se trouvait l’arbre torsadé. Ce satané chêne qui les avait attirés dans cette maison de l’horreur. Soudain, une ombre passa sous la fenêtre. Willem n’eut pas le temps de voir de quoi il s’agissait, il prit appui sur le plan de travail fixe du mur et observa l’obscurité de l’extérieur. Pas un bruit ni un mouvement à l’horizon. Il devina la forêt au loin et pensa à sa tente qui l’attendait bien sagement au milieu des bois.


Un hurlement le fit bondir de peur. Willem se retourna brusquement et n’osa plus bouger. Le cri venait de l’étage ? Il s’agissait probablement d’Alex, car il avait reconnu la voix de son ami. Le jeune homme remit ses pieds au sol et avança en direction de l’entrée de la maison, là où il avait quitté ses amis quelques minutes plus tôt. Un énorme fracas retentit dans toute la maison. Cela venait des escaliers.


— Qu’est-ce qui se passe, putain ? bredouilla Willem.


Les mains tremblantes, il poussa les portes battantes de la cuisine et marcha lentement en direction du bruit. C’est alors qu’il vit Alex courir dans le couloir. 


— Will, putain, tu peux pas savoir comment je suis content de te voir !


— C’était quoi ce bruit ? Ton bras !!! Où il est passé ? s’écria-t-il, découvrant la blessure béante de son ami. 


— Il y a un gamin cannibale à l’étage ! Il me l’a arraché ! Je suis sûr qu’il n’est pas seul. Sara… 


Il s’écarta et montra au loin le corps sans vie de la jeune fille. Willem était pétrifié par ce qu’il voyait. 


— C’est… c’est Sara par terre ? demanda-t-il, connaissant déjà la réponse. On doit l’aider, elle bouge plus…


Alex marqua une pause avant de répondre à son ami :


— On ne peut plus rien pour elle… On doit retrouver ta cousine et Benjamin et se barrer le plus loin possible, il y a des… corps là-haut… Une fille est mutilée… On doit aller chercher les secours…


Un bruit de craquement interrompit les garçons. Ils se retournèrent et virent avec horreur l’enfant au milieu des escaliers, en train de les observer, accroupi. Alors qu’il était en train de mastiquer ce qu’il restait du bras d’Alex, il interrompit son repas et les fixa en restant immobile, attendant le moment idéal pour se jeter sur ses proies.


Au même moment, la trappe sur la gauche, menant au sous-sol, s’ouvrit dans un grincement. Une femme maigre, habillée de vieux vêtements, arriva sur le palier. Des cheveux gris parsemaient son crâne recouvert de croûtes. Ses ongles longs à moitié cassés étaient tachés de sang. Elle se lécha les lèvres et bougea une mèche de cheveux blonds encore coincée entre ses dents. Willem reconnut la couleur de la chevelure de sa cousine.


— Emma… qu’est-ce que vous avez fait à Emma… marmonna-t-il, terrifié.


— Elle était délicieuse, si tu savais…


Mais cette voix ne venait pas de la femme aux vieux vêtements ni du petit garçon sauvage. Elle venait d’une silhouette qui se détacha de l’obscurité. Les garçons reconnurent leur ami, Benjamin. Mais ce n’était plus le même Ben qu’il connaissait. Celui-ci avait le regard fou, un sourire diabolique déformait son visage. Sa barbe était tachée de sang.


— Maman, tu me laisses le rouquin, il a toujours été mon préféré…


Le sang des garçons ne fit qu’un tour. Alex attrapa le bras de Willem et l’entraîna dans la fuite la plus rapide de sa vie, direction la porte d’entrée. Mais cette dernière était verrouillée. La famille de cannibales se précipita sur leur repas, prête à passer à table. Les jeunes hommes devaient agir vite, alors ils partirent dans la cuisine et coururent pour échapper à leur mort. Ils empruntèrent le couloir découvert par Willem quelques minutes auparavant et ouvrirent la première porte qu’ils trouvèrent sur leur passage. Elle menait à une salle de bain. Mais la mère de Benjamin agrippa le garçon à lunettes et lui mordit l’oreille. Celui-ci hurla de douleur, du sang coula le long de son cou. Alex tira son ami vers lui au et donna un coup de tête en plein dans le nez de la femme. Elle libéra sa prise dans un râle de douleur, le morceau de chair était coincé entre ses dents. Le rouquin ferma la porte à clé avec le verrou intégré. Pensant être sortis d’affaire, les garçons entendirent la famille tambouriner de l’autre côté de la paroi et triturer frénétiquement la poignée… en vain. Le silence retomba, une ambiance angoissante planait dans ce court moment de répit. Alex regarda l’étendue des dégâts sur son bras déchiqueté pendant que Willem s’appuyait sur le lavabo, la tête baissée.


— Ils ont buté Emma… et ça va être notre tour… se lamenta-t-il.


— Non, je ne les laisserai pas nous tuer. On doit s’accrocher, insista Alex.


— C’est Ben qui a voulu aller dans cette putain de maison… Il nous a tendu un piège, ce taré… Comment il a pu nous faire ça ? C’était notre pote ! explosa-t-il.


Alex serra les dents, choqué et meurtri par la trahison de son ami. Il réalisa soudainement tous les comportements étranges de Benjamin depuis qu’il le connaissait. Sa fascination pour les situations gores, sa connaissance pointue de l’anatomie humaine. Il mettait ça sur sa volonté de devenir chirurgien, mais la réalité était bien différente.


Alex sortit de ses pensées et regarda dans tous les tiroirs pour trouver de quoi se soigner. Il tomba soudain sur un élastique long.


— Will, fais-moi un garrot avec ça, je me vide de mon sang.


— Comment tu peux tenir encore debout, sérieux ? demanda son ami. 


— L’adrénaline, peut-être… J’en sais rien… 


Son camarade s’exécuta et lui comprima le peu de bras qui lui restait. Le duo réalisa tardivement qu’une odeur de chair envahissait la pièce.


— C’est ton bras, qui sent comme ça ? demanda Willem.


— J’espère pas… 


Il observa autour de lui pour éviter de penser à son membre manquant et la douleur qui fusait dans tout son corps. Soudain, il aperçut quelque chose qui pouvait les sauver. 


— Regarde, il y a une fenêtre !


Dans le fond de la pièce se trouvait une baignoire avec un rideau de douche tiré. Au-dessus de la barre en fer, une petite fenêtre avec un carreau cassé donnait sur l’extérieur de la maison. Les garçons se rapprochèrent du rideau et le tirèrent pour exploiter cette sortie miraculeuse. Mais ils poussèrent un cri de terreur en découvrant que la baignoire n’était pas vide. Un homme nu baignait dans son propre sang. Son regard fixe et sa peau grise n’étaient pas les seuls signes de sa mort. Sa cage thoracique était ouverte, les côtes étaient déployées à l’extérieur du corps du malheureux, laissant apparaître tous les organes vitaux. Voilà d’où venait l’odeur de cadavre.


Alex eut un relent de dégoût, mais ne perdit pas son objectif de vue. Il tendit son unique bras vers la fenêtre et l’ouvrit, laissant entrer le froid de la nuit.


— Le passage est petit, mais on peut sortir, j’en suis sûr.


Il réalisa que Willem ne quittait pas des yeux le cadavre de la baignoire.


— Il a bougé… Je suis sûr qu’il a bougé les yeux… 


— Non, Will, il est mort, je t’assure. Son cœur ne bat plus, ça se voit là quand même ! Et ses poumons ne se gonflent pas, allez s’il te plait, mec… 


Les jambes de Willem se mirent à flageller. Les forces du jeune homme étaient en train de le quitter. 


— Il est mort… On est tous morts… C’est un cauchemar…


Alex le chopa par les épaules et le secoua.


— C’est pas le moment d’être en état de choc, réveille-toi ! hurla Alex.


Willem détacha enfin son regard de la baignoire et fixa son ami. 


— Voilà, c’est bien, tu te concentres sur moi et sur rien d’autre. 


L’adolescent à lunette reprit ses esprits avant de réaliser un élément troublant.


— Pourquoi ils ne frappent plus contre la porte ? demanda Willem. Et s’ils étaient partis…


— Crois-moi, ils n’attendent qu’une chose, c’est qu’on sorte par la porte. Allez, grimpe.


Willem passa sa jambe par-dessus la cage thoracique, ressemblant à un déploiement d’ailes d’un oiseau. Il effleura une côte et pleura de panique.


— Aller, plus vite, je t’en supplie, implora son ami.


Le rouquin barbu força son compagnon de route à passer par la fenêtre en lui hissant le postérieur. Son corps passa difficilement, Willem dû se tortiller tel un ver de terre pour passer enfin de l’autre côté. C’était au tour d’Alex. Étant d’une corpulence plus fine, il s’enfila facilement dans l’embouchure. Il s’étala sur l’herbe humide, Willem l’aida à se relever en le soulevant par son bras gauche. Ils partirent tous les deux en courant, soulagés d’avoir échappé à la maison des enfers. Mais l’horreur reprit de plus belle lorsque Willem fût stoppé net dans sa course par une corde qui lui attrapa le cou. Il poussa un râle d’étranglement avant d’être traîné jusqu’à l’arbre torsadé.


— Non !!! Wiiiill !!! 


Alex courut après son ami, mais il ne pouvait plus rien faire pour lui. La longue corde était tenue par un homme perché sur les branches de l’arbre. Ce dernier poussa des cris de joie, semblable à ceux des cow-boys et se dandina d’excitation. Il tira de plus en plus sur la corde, attirant Willem jusqu’à son triste sort, pendu, gigotant dans tous les sens. Alex entendit les derniers souffles de son ami, qui devait probablement le supplier de l’aider.


Le rouquin hurla et partit à toute vitesse en direction de la forêt. En pleine obscurité, la famille cannibale ne pouvait pas le retrouver. C’était sûr. Grâce à la lumière de la lune, il avait retenu la route, direction le campement. Il partit tout droit, mais son pied s’enfonça dans le vide et Alex fut précipité dans un trou caché par des feuillages. À peine un mètre plus bas, le garçon se retrouva empalé sur des pics préalablement installés. Un piège fatal concocté par les habitants de l’hospice abandonné. Aucune pointe n’avait atteint de points vitaux chez lui, ce qui le laissa conscient durant de longues minutes dans une agonie des plus horribles. C’est alors qu’il aperçut du mouvement au-dessus de lui. Il eut assez de force pour tourner légèrement la tête et constater avec effroi que quatre silhouettes l’observaient. La lune illuminait les regards rouges et remplis de folie de la famille de Benjamin. Ce dernier se tourna vers la plus grande silhouette d’entre toutes.


— Papa va chercher ta corde, on va le remonter. J’ai faim…