Clémentine au carré, par helhiv

Ma journée se poursuit comme un film catastrophe tendance gags en rafales. Rien de va ! Depuis la trace de café sur mon chemisier blanc jusqu’aux retards pris par l’ate…




Chapitre 3: La danse de Clémentine, par Bat.Jacl

 


Je sens le regard d’Alban peser sur moi, une présence magnétique à quelques mètres de distance. La piste de danse devient soudain un théâtre où je suis exposée, comme si chaque mouvement était disséqué par des milliers d’yeux auxquels je ne peux échapper. Mon cœur s’accélère. Les lumières tamisées du Marabout semblent amplifier chaque émotion. Je m’aperçois que mon front dégouline sur mon visage.


Quelle horreur, je dois tellement briller ! On va me prendre pour une véritable boule à facette.


D’une manière maladroite, je tente de me dissimuler derrière la silhouette de ma compagne éphémère, espérant atténuer l’intensité du contact visuel. Mes mains se grippent en voulant lisser les courbes de la jupe.


La téquila, complice de la soirée, fait son effet, distordant la réalité et compliquant ma réaction déjà chaotique. Peut-être que ce n’est que l’alcool et que j’ai rêvé !


Les yeux pétillants de malice de Clémentine se posent sur moi. Dorénavant, ils semblent soucieux alors que sa bouche ne démord pas de son sourire d’envie.


— Tu as l’air un peu secouée, ma chère Clémentine. Quelque chose ne va pas ? — me questionne-t-elle sans que sa tête ne cesse de faire des pulsations au rythme des basses.


— Oh, rien du tout, dis-je à mi-voix. Mais la musique assourdissante me couvre complètement. Clémentine sourit devant ma maladresse, me demandant d’un geste subtil de répéter plus fort.


— Rien du tout ! criè-je un peu plus fort, tout en passant une main inconsciente pour repousser la transpiration de mon front.


Le fait que ma voix tremblote n’aide en rien Clémentine à me croire. Je me mords la lèvre inférieure, tentant de dissimuler mes émotions derrière un masque de nonchalance.


Je me remets à danser, à contre rythme. Clémentine éclate de rire, mais je ne l’entends pas. Après un bref échange complice, elle se retourne avec naturel, toujours parfaitement à l’aise dans cette soirée décidément pleine de surprises. Les secondes s’étirent, suspendues dans une tension palpable. Puis finalement, ses yeux croisent ceux d’Alban qui regardait encore dans notre direction. C’est sûr maintenant, il nous a vu toutes les deux.


Ma gêne s’intensifie, créant un étau autour de moi. Je ne sais pas comment réagir, pris au piège entre la volonté de paraitre détachée et l’évidence que cette situation m’échappe.


Mon esprit, en proie à une confusion croissante, ne parvient pas à trouver de réponse adéquate à mon malaise. Incapable de faire face à la pression grandissante de la scène, je m’enfuis brusquement de Clémentine, comme si la distance physique pouvait atténuer l’embarras qui me consume. Sans un mot, sans un regard en arrière, je m’engage dans les dédales sombres de la boite de nuit.


La musique assourdissante, les lumières clignotantes et les ombres dansantes offrent un refuge temporaire. Mes déplacements erratiques résonnent comme un écho de ma propre confusion, tandis que je cherche désespérément un coin isolé où me recueillir. Les pensées tourbillonnent dans ma tête, une cacophonie d’autoquestionnements et de doutes.


Ai-je surréagi ? Pourquoi cette fuite soudaine ? Je suis prise au piège de mes actions incohérentes. Mais surtout, le plus important : qu’est-ce qu’Alban doit s’imaginer sur moi ?


L’envie me prend de retrouver Jeanne, ma complice d’aventures nocturnes, celle qui pourrait comprendre ce tumulte intérieur. Cherchant parmi les silhouettes qui se déhanchent sur la piste de danse, je constate que la foule, autrefois familière, devient un labyrinthe mouvant. Mes appels à son nom restent bien silencieux, si impuissants face au bourdonnement de la musique.


Les lumières stroboscopiques accentuent mon sentiment de désorientation, chaque flash révélant une mer de visages anonymes. Je guette désespérément l’apparition de sa silhouette, mais elle semble avoir disparu dans cette danse frénétique.


J’imagine qu’elle a trouvé un coin plus sombre avec l’un de ses amants.


Ou pire ! Qu’elle est déjà chez un de ses amants ! Et que je suis seule, ici, laissée à mon sort…


Mes yeux croisent soudain ceux d’Alban. Cette fois, il est juste devant moi et il m’a vu. Horreur, je ne peux plus fuir. Un frisson d’appréhension me parcourt, mais je m’efforce de maintenir un masque de détachement. Alban s’approche avec un sourire avenant, brisant l’air tendu qui nous entoure. Puis, il se penche vers moi :


— Bonsoir Clémentine.


Ses mots s’invitent dans mon oreille, avec finesse. Si proche, son souffle me fait frissonner. Je lui réponds à mi-voix, mais il s’est déjà redressé. C’est sûr qu’il n’a pas dû entendre. Quelques secondes s’étendent, très gênantes. Je souris, mais je sens quelque soubresaut dans mes bajoues lui signaler mon malaise par de micro-expressions. Il finit par se pencher à nouveau.


— Je ne savais pas que nous fréquentions les mêmes lieux.


Je rigole bêtement. Cette fois, c’est sûr, c’est clairement la faute de la téquila. Il se redresse et rigole aussi.


Faut que j’agisse de manière naturelle ! Peut-être qu’il n’a rien vu toute à l’heure et que tu as toutes tes chances ma belle !


Je me penche à mon tour vers lui :


— Oui… c’est vrai… Monsieur Adelson.


Mais quelle conne ! Je n’avais vraiment rien de mieux à dire ! J’aperçois un doute onduler sur son front.


— Alban, ça sera très bien.


— Si vous voulez


— On pourrait peut-être se tutoyer, non ? propose-t-il. Ça rendrait la conversation moins guindée.


Ma tête valide sa proposition avec énergie tandis que mon bas-ventre se contracte. Cette fois, je sais que j’ai un grand sourire !


Oula ! Il faudrait que je me calme. J’ai vraiment l’air désespéré et en manque devant ce faible rapprochement.


— Alors, dis-moi, qu’est-ce que tu aimes dans ce lieu ? — Il incline la tête vers la piste de danse animée.


Cependant, malgré l’apparente décontraction, la conversation reste superficielle. Je me rends bien compte qu’Alban tente de briser la glace, mais ma gêne maintient une petite étrangeté dans l’atmosphère demeure. J’essaye de lui répondre avec naturel, mais mon esprit ne quitte pas ce qu’il aurait pu voir ou ne pas voir de ma précédente conquête.


S’il pense que je suis lesbienne, c’est sûr qu’il ne s’agit que de politesse liée à notre rencontre à la concession !


— Tu as l’air perdue dans tes pensées, Clémentine. Tout va bien ?


Alban, le regard pénétrant, adresse cette question avec une empathie qui me trouble davantage.


Je souris, cherchant à dissimuler mes émotions tourmentées.


— Oui, tout va bien. Juste un peu décontenancé par la musique et quelques verres.


Alban hoche la tête, semblant comprendre tout en continuant de guider la conversation vers des terrains plus légers. Cependant, dans l’éclat changeant des projecteurs, une confusion persiste en moi, accentuée par l’alcool.


— On devrait peut-être aller prendre l’air, finit-il par me proposer avec un sourire bienveillant. Ça te dit ?


Finalement, il veut un rapprochement ! Surprise par la proposition, j’éclate de rire.


— Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?


– Non, rien. Désolé, je ne m’y attendais pas.


Je réalise alors qu’il a l’air soucieux. Je lui fais de la peine ! En même temps, entre les doutes et l’alcool, je sais que je suis en train de faire une piètre prestation sociale. Je devrais fuir une nouvelle fois plutôt que de gâcher toutes mes chances avec lui.


Est-ce que je lui demande s’il a vu quelque chose juste avant ? Non, il vaut mieux que je ne fasse comme si de rien n’était ?


Dans un éclat de lumière stroboscopique, j’aperçois Clémentine émerger dans le dos d’Alban. Son regard croise le mien, et une tension palpable s’installe dans l’air tandis qu’elle fonce dans notre direction. Vu sa détermination, c’est sûr qu’elle va envoyer valser mes dernières maigres chances. Instinctivement, je sens le besoin d’éviter la confrontation imminente.


— Alban, il y a une piste de danse incroyable de l’autre côté. On devrait y aller !


Sans attendre qu’Alban acquiesce, je l’attrape par le bras et ressens sa chaleur. Il a l’air surpris par ce contact, mais ne bouge pas sous l’impulsion. Il plonge son regard dans le mien, et j’ai l’impression qu’il a l’air plutôt ravi. Mes doigts glissent le long de sa chemise et finissent par effleurer sa peau. Je sens l’atmosphère se charger d’électricité.


Son corps se redresse, se place devant moi. Le eye contact devient une danse silencieuse, amplifiant la chaleur entre nous.


J’ai tellement envie de lui !


Ma main se resserre sur la sienne. Presque sans bouger, il pose sa deuxième comme dans un cocon protecteur. La chaleur m’encercle, sa chaleur m’enivre.


Mon cœur bat plus fort et je commence à me pencher, décidé à l’embrasser, qu’importe ce qu’il a vu, qu’importe ce qu’il pense de moi.


Comme un iceberg sur la route d’une nuit torride, Clémentine se matérialise sur le côté entre nous deux.


Mais qu’est-ce qu’elle me veut ? Nous nous lâchons, et nous reculons d’un demi-pas, l’air de rien. Chacun de nous deux génère.


Contrairement à ce que je m’attendais, elle s’approche à l’oreille d’Alban.


Elle le connait !?


Je m’aperçois qu’elle a une main posée sur son bras, avec plus de naturel que moi, et que la deuxième se glisse dans son cou afin qu’il descende sa tête au niveau des lèvres pulpeuses de Clémentine.


Puis, elle se retourne vers moi et elle m’adresse un petit clin d’œil.


Je ne suis pas sure de ce qu’il vient de se passer. Je fixe Alban et son sourire est gêné que je n’avais jamais aperçu jusqu’à là.


— Clémentine, je crois que tu as déjà rencontré Clémentine, non ? Si je ne me trompe pas, il me semble que vous avez un peu dansé ensemble.


Ses mots résonnent comme des notes de musique dissonantes, créant une nouvelle tonalité dans cette symphonie tumultueuse. Une confusion persistante s’empare de moi, et je la sens se répandre avec vivacité dans l’atmosphère.


— Tu la connais depuis longtemps ?


Je ne savais vraiment pas quoi demander d’autre, encore prise dans les phares de cet accident. Il éclate de rire.


— Oh oui, depuis très longtemps… C’est ma petite sœur.