Les descendants de Babel, par chlo_M_Molina

"Babel est grand, il a réussi ce que beaucoup ont entrepris sans succès, il a touché le ciel, perché au sommet de sa tour." Les jardins suspendus de Babylone, l’une…




Chapitre 2: chapitre 1 bis : Noée, par chlo_M_Molina

Les matins difficiles, tout le monde connaît, et aujourd’hui c’est définitivement un matin très difficile. Je me lève pour aller prendre mon petit déjeuner dans l’alcôve. Notre alcôve est à l’image de celle des garçons mais possède des canapés rouge bordeaux bien plus confortables. Nous préférons être entre filles le matin, on peut se raconter les derniers potins ou juste manger nos céréales sans qu’on nous dérange (et faire ça dans la salle à manger commune c’est juste impossible). Astra et Juliette sont en pleine séance commérage à propos de deux 47 (génération 47) qui se seraient battus pour sortir avec la même personne. Même si j’adore ce type d’information croustillante, ma tête bourdonne encore bien trop fort pour que je m’engage dans leurs conversations. Elles marquent un temps d’arrêt quand je m’assoie sur l'un des canapés avec mon bol de céréale sur les genoux. Elles reprennent rapidement leur conversation après un petit signe de tête de ma part signifiant : « Nop, désolé, moi, communiquer, avec, personne ». Il est 7h30 et les filles sont déjà en tenue d’entraînement. Les long cheveux châtain clair de Juliette sont parfaitement tressés en une multitude de tresses de tailles variables, le tout relevé en queue de cheval, on dirait une princesse guerrière. Astra, elle, a opté pour une solution bien moins coûteuse en temps : deux petits macarons à la va vite. Astra se plaint régulièrement de ses cheveux d’ébène qui sont d’après elle bien trop épais et difficiles à dompter. Elle ne laisse donc jamais ses cheveux dépasser ses épaules. Mes cheveux aussi sont coupés au-dessus des épaules, mais question couleur et forme je suis l’opposé d’Astra : ils sont d’un blond tellement clair qu’ils paraissent presque blancs et ondulent légèrement. Quand Astra radote en parlant de sa tignasse, elle arriverait presque à surpasser Zahra en termes de plainte inutile. En parlant du loup, Zahra nous rejoint sur les canapés et s’effondre comme si elle venait de courir plusieurs marathons consécutifs.


“- Alors c’est vrai ce qu’on raconte ? Tu étais présente pendant l’affrontement ?” Astra a bien essayé de me donner des détails mais ces sources ne sont pas vraiment fiables… Juliette fait un clin d’œil subtile à Astra que Zahra ne remarque pas, et Astra s’amusant de la situation s’empresse de renchérir : 


“- Je fais de mon mieux pour apporter de l’action et des intrigues dans ta vie Ju, mais tu ne t’en satisfait que rarement… “dit-elle dans un souffle mélodramatique. 


Oubliant sa fatigue passagère, Zahra se redresse ravi d’être au centre de l’attention.


“- Bien sûr que j’étais présente j’ai même dû séparer les deux intéressés ! “


Mais à quelle heure elle s’est levée ? J’ai rapidement perdu le fil de la conversation et je me suis concentré sur mon bol de céréales. Chaque cuillère me paraît comme un obstacle infranchissable tant ma tête me fait mal. Je ne peux cependant pas prendre d'anti douleurs le ventre vide. Une fois mon bol terminé, je prends enfin mon précieux médicament et je m’allonge. Zahra parle toujours avec un nombre faramineux de détails sur l’altercation entre les deux 47. Ces paroles résonnent en moi comme une musique, mais pas une musique calme et douce que l’on peut écouter avant de dormir, non, on dirait de l’électro ou de la trans, le genre de musique qu’on écoute à 3 grammes d’alcool dans les fêtes. Je n’ai pas la force de me relever pour rejoindre ma chambre et m’isoler du débit de parole incessant de Zahra donc je positionne un oreiller sur chacune de mes oreilles, ce qui n’échappe pas à Juliette qui étouffe un éclat de rire. Je me lève et pars en direction de ma chambre, j’enfile ma tenue de sport verte foncée rapidement et rejoins en courant Juliette et Ambroise (réveillé.e et habillé.e par je ne sais quel miracle) dans le couloir de béton. Nous nous dirigeons alors vers les zones d'entraînement. Un complexe sportif dernier cri. Je n’ai jamais pris le temps de compter le nombre de salles d’entrainements . Il y en a pour tous les goûts : salles d’arts martiaux, gymnases, salles de danse, salles de sport et j’en passe. Nous ne croisons quasiment personne ce matin, ce qui est plutôt rare. En entrant dans la salle XLVII, Heda nous attend les bras croisés.


 


Les couloirs de béton sont bien déserts aujourd’hui, je me demande où tout le monde est parti. J'entre dans l'alcove des garçons. Une odeur de pied emplit mes narines et je grimace. Ils ont vraiment une hygiène questionnable… Jacek et Ambroise discutent paisiblement étaler sur un canapé comme des dieux grecs en contemplation mutuelle. Je leur fais un petit signe de la main en passant rapidement à côté d’eux pour leur laisser un semblant d’intimité. La chambre est sombre mais bien rangée, rien ne traîne au sol et tous les objets trouvent une place sur des étagères rouges rubis amenant un peu de couleurs dans cet environnement quasiment aseptisé. Achille dort à moitié sous ses couvertures, son téléphone à la main regardant les dernières vidéos du créateur de contenu en vogue : Sam_le_Sem. Il enlève un écouteur quand il m’aperçoit.


Hey toi, dit-il avec nonchalance 




Il me tend alors son bras droit, je relève le manche de son sweat crème et maintient solidement le contact entre nos peaux pour vérifier son état de santé. Je n’ai pas besoin de faire ça, des médecins ont du passé faire un check up complet en milieu de matinée mais on est jamais trop prudent, non?



Je lui prend le bras pour le tirer hors de son lit, il se lève sans aucun effort, quel comédien vraiment! Je suis sûr qu’il allait déjà bien ce matin mais qu’il a profité d’une mâtiné tranquille seul dans ses draps. Il me fixe avec un regard sévère, je sais déjà ce qu’il compte dire…



 


Le reste des garçons à part Saule nous attendent pour aller manger. Nous nous dirigeons tous ensemble vers les salles communes quand je reçois un message de Zahra. Pour le moment rien d’anormal elle doit vouloir que je lui dise comment s'est passé mon entrevue avec Achille et s'il se sentait mieux que ce matin. Je me prépare donc à répondre  mais ce que je vois en ouvrant mon téléphone m’interpelle. Trois lettres en majuscule : “ SOS ”. Bien sûr, Zahra est une véritable drama queen mais elle enrobe toujours ses messages d’un nombre impressionnant de détails. Donc un seul et unique message composé de seulement trois lettres… Sans donner la moindre explication je fais demi-tour et cours en direction des quartiers des filles, je tourne dans un couloir de béton, puis un autre, puis un autre et je me fige. Il m’est physiquement impossible de bouger. L’odeur âcre emplit mes narines, je sens des larmes couler sur mes joues, et un goût métallique me reste au fond de la gorge. Je suis pourtant habitué à la vue du sang, j’ai recousu plus de plaie que de minutes existant dans une année, mais voir mon amie, ma soeur giser dans son propre sang, ses yeux sombres si vide… je n’arrive plus à réfléchir, des questions s’imposent à moi, qui? , pourquoi?, depuis combien de temps? Je regarde l’heure sur mon téléphone. Je reprend alors mes esprits, je commence de nouveau à entendre les sons autours de moi, je ne suis pas seule, je m'accroupis alors et comme par réflexe je sors mon couteau de poche, m’entaille les deux mains sans vérifier si je repasse bien sur les cicatrices, et je m'agrippe au corps inanimé de mon amie pour essayer de la soigner. Je sens des mains s'agripper pour m'empêcher de tenter quoi que ce soit mais je me débat, inspire et me connecte au corps de Zahra. Rien, je ne sens rien, du vide et seulement du vide… je veux comprendre et décide d’essayer de remonter plus loin de sentir de serait-ce qu’un battement de cœur, mais rien… 


“Elle est morte No…tu ne peux plus rien pour elle…” me chuchote Achille dans l’oreille, il a dû me suivre tout à l’heure, “Lâche-la”. Je ne peux m’y résoudre, j’essaye en vain de la soigner, je crois apercevoir un début de cicatrisation sur la balafre de son visage quand une douleur extrême foudroie l’ensemble de mon corps. Je hurle, il me semble que Achille ainsi que d'autres mains essaient de me faire lâcher prise mais je ne contrôle plus du tout mon corps… je ne ressens plus le toucher, ce sens est totalement inhibé par la douleur qui ne cesse d’augmenter. Ma vue se teinte de rouge, je me concentre de toutes mes forces pour comprendre ce qu’il se passe malgré la douleur stridente et incessante. La voie de Zahra résonne en moi : “ la volonté est la clé”. Elle est mignonne, comme si la volonté pouvait m'empêcher de souffrir … Concentre toi Noée! concentre toi! Respire, respire, je réussi tant bien que mal à calmer mes battements cardiaques, j’entends ‘LÂCHE-LA”, le son résonne au plus profond de mon être et j’ouvre enfin les mains. Nous basculons tous en arrière . Combien de temps s’est-il écoulé? 10 secondes? 30? cinq minutes? ou même une heure? je ne pourrai le dire… Le sens du toucher me revient à mesure que la douleur diminue. Un liquide chaud et métallique coule le long de mes joues, de mon nez et je crois que j’en ai dans la bouche aussi. Je tousse et regarde le sol se parsemer de petites gouttelettes rouge carmin. Achille essuie mes larmes de sang et me donne un mouchoir pour que je m’occupe du reste. Tous les garçons sont là. Je ne m’en étais pas rendu compte jusqu'à présent. l’un d'eux est au téléphone, sûrement en train de contacter les autorités compétentes. Mes yeux se ferment tout seuls, j’entend Achille hurler mon nom dans mes oreilles, par Babel, je déteste quand on m’hurle dans les oreilles. Soudain je perd le contact avec le sol et je comprend que Achille m’a prise dans ses bras, il se tourne vers Will et lui demande de m'amener le plus rapidement possible à l‘infirmerie, qu’il est le plus rapide d’entre eux car il peut voler grâce à ces ailes. Je passe alors de bras en bras et sombre dans un sommeil sans rêve.