Démon, par Laurent

- Hey toi.   A ces mots, le type devant moi se retourna. C'était un type banal, costard, cravate bien serrée, chaussures de ville, sa chemise blanche étant sa seule touche…




Chapitre 2: Causette avec un diablotin, par Lyn

Je lançai un rapide coup d’œil à mon téléphone, 10 h 36. Autant dire que j’avais du temps avant de reprendre du service.


L’avantage d’avoir une forme humaine était que je pouvais me promener librement sans trop attirer l’attention. Pour la masse, je devais avoir l’air d’un type négligé trop jeune pour être considéré comme un homme et trop vieux pour être considéré comme un gamin. En clair, j’aurais pu passer pour quelqu’un de fréquentable si j’avais un peu de thunes, mais ça, c’était pas quelque chose que le Département pouvait se permettre. J’avais déjà de la chance d’avoir un contractant qui me fasse suffisamment confiance pour me laisser aller et venir à ma guise sans me sceller dès qu’il n’avait plus besoin de moi.


De toute façon, même si je venais avec une petite douceur, pas sûr que Causette réponde à mes questions.


J’entendais déjà sa petite voix rauque et sifflante alors que je gagnais le dépotoir où je lui étais tombé dessus, littéralement, la première fois :


— Ti m’déçois Georgette, et pour la peine, ti vas servir d’exemple pour les autres…


Je devinai que « Georgette » était l’énorme rat que Causette venait de laisser tomber dans sa bouche grande ouverte. J’arrivais juste à temps pour apercevoir la queue du rongeur gigoter entre ses lèvres avant de se faire aspirer dans un bruit de succion pour finir gobé tout rond.


— Bon app’ hein.


    Oh, coucou toutou.


Inutile de rebondir sur cette pique. Ça faisait un mois que je côtoyais Causette et c’était bien assez pour comprendre qu’à ses yeux, le malheur de son prochain était tout aussi délectable qu’un rat bien gras ou une poignée de bonbons.


— J’espère que t’es pas responsable ? Quatre victimes humaines, toutes récentes


Ti as mauvaise conscience hein ?


J’aurais pu en faire une bouchée la première fois que nous nous étions croisés. Même si nous devons livrer les démons qui n’ont pas encore trop vrillé au Département, nous sommes tous considérés comme des bombes à retardement tant que nous sommes « vivants ». La preuve, le vieux n’était pas si fâché que ça tout à l’heure.


Causette représentant une menace bien moindre, je n’avais pas eu le cœur à faire ce que j’aurais pu faire. Mais en entendant parler d’un démon suffisamment maladroit pour se faire remarquer en moins de cinq victimes, j’ai eu peur d’avoir fait une erreur de jugement.


— Nan, m’en fous des humains. Trop gros.


Pour appuyer son propos, Causette désigna tout son petit corps chétif de diablotin. Ceux que j’avais vus atteignaient à peine quatre-vingts centimètres et Causette ne faisait pas exception.


Je lâchai un soupir.


— Tu sais, tu pourrais rejoindre le D.E.M.O.N, ça t’éviterait ce genre de truc.


— Quoi ?


— De te faire suspecter par le premier venu à la moindre attaque démoniaque… ou de te faire choper par un collègue. Certains n’auraient pas hésité à te bouffer pour le principe, ou par gourmandise, ou pour accéder au salut plus vite.


— Veux pas être un de leur chien, moi. En plus, ti as beau faire le gentil flic, on sait très bien que, si ti es là, c’est qu’à la base, ti étais un gros PÊCHEUR en étant vivant… !


Là-dessus sa voix s’étrangla dans un ricanement sardonique.


— Et donc, insistai-je en gardant un maximum de contenance, est-ce que ça te parle ? Un jeune démon qui a tué à peu près une demi dizaine de personnes ?