Vers la lumière, par Boo-Bap-Doo-Wap

Avec une force dont je ne me serais pas cru capable, je parviens à me détourner de la vision cauchemardesque que m'offre ce miroir. Fuir. Seule alternative possible. Fuir ou mourir. Ou…




Chapitre 3: Tic tic tic, par Wargen

Serait-ce....


Je veux bouger, mais une décharge fulgurante dans mon corps me hurle que quelque chose a dû se casser lors de la chute. J'étouffe un cri de douleur en serrant les dents du plus fort que je peux, agrippant à pleins doigts un morceau de bois que je tente de déchiqueter pour oublier la chaleur suffocante qui se répand partout en moi.


 


Et je me fige soudainement – Tictictictictic – entendant la bête se précipiter, depuis l'étage, vers l'escalier – tictictictic -, imaginant ses longues pattes filiformes et velues danser sur le parquet -tictictictic tic tic tic tic tic... tic... tic... tic....


 


Je l'entends. Je la devine, maintenant. En haut de l'ouverture menant aux escaliers. Au début des escaliers maintenant effondrés deux mètres plus bas, dans un fracas de bois moisis, et contenant un corps humain.


 


Tic... tic... tic tic tic... tic... tic... tic...


 


Comme si elle se demandait ce qu'il s'était passé. Ou comment faire pour descendre ?


 


Tic tic tic tic... tic... tic...


 


Puis un bruit très léger, le son brusque de ses pattes sur le parquet se dissipant. Quelques secondes de panique, avant de sentir une pression au dessus de moi. Une pression de plus en plus lourde. Comme un poids mort venant appuyer sur le tas de décombres sous lequel je me trouve. Je comprends qu'elle vient de descendre, d'une manière ou d'une autre.


 


Tic... tic... tic... tic...


 


Je ressens qu'elle avance doucement, la pression verticale diminuant légèrement à chaque nouveau son de patte. Comme si elle s'éloignait du tas. Une pointe velue s'appuie fortement sur ma jambe. Un éclair remonte le long de mon échine jusqu'à mon cerveau. Je veux hurler mais me retiens à grandes peines. Un instant d'hésitation de la patte – tic tic tic- puis elle décolle. Je ne ressens plus aucune pression.


 


Elle est descendue dans la cave. Mais on dirait qu'elle ne m'a pas repérée. Tic... tic... tic... tic... Elle avant lentement, comme sur la défensive. La lumière bleu disparaît. Tic... tic... tic... Je la devine alors dans la pénombre, entourée d'un halo bleuté, énorme, poilue, la partie arrière de son corps complètement disproportionnée par rapport à la partie centrale. Tic... tic... tic... Elle fouille la pièce, semblant guetter... je ne sais trop quoi. Un mouvement, un bruit, une image. Tic tic tic tic tic.


 


Ses huit pattes se déplacent lentement à un rythme complètement délirant pour la pauvre bipède que je suis. Après quelques secondes comme hypnotisée par la lumière bleutée -tic-, elle commence à se retourner -tic-, à la poursuite de sa recherche. Tic tic. Je rabats le plus furtivement possible ma capuche sur mon visage. Tic tic tic. Il ne faut surtout pas que je vois ses yeux globuleux. Tic tic tic tic. Car cela voudrait dire qu'elle peut également me voir. Tictictictictictic. Elle se précipite. Tictictictictic. A l'autre bout de la pièce. Tic tic tic tic. S'arrête. Furète. Puis se remet doucement à bouger. Tic... tic... tic... tic...


 


Malgré la douleur atroce dans ma jambe gauche – tic, je crois, tic, que j'ai, tic, le tibia gauche, tic, cassé – et un léger filet de sang qui me coule sur les paupières maintenant fermées, je tente de me faire la plus petite, la plus immobile et la plus silencieuse possible. Tic... tic... tic... tic... Et ce fichu cœur qui bats la chamade tellement fort que que j'ai l'impression qu'elle va m'entendre par mes tympans qui tambourinent en hurlant à mes oreilles. Tic... tic... tic... tic... D'ailleurs, quel est le sens principal qu'utilise les araignées ? Tic... tic... tic... tic... Je n'en sais rien. Et je me demande même ce que ça peut me faire maintenant. Tic... tic... tic... tic... Comme si j'allais me mettre à chanter pour évacuer ma douleur et mon stress parce que j'aurais eu la bonne idée de savoir qu'une araignée est sourde ! Tic... tic... tic... tic...


 


Des déplacements lents et mesurés. Des absences de bruit insoutenables, qui semblent durer une éternité. Puis des sons de pattes cadencés qui reprennent. Tictictictictictictictic. Et s'arrêtent. Et -tictictictictictictictic- reprennent. Et s'arrêtent. Comme si -tic- elle faisait -tic- le tour -tic- de la pièce -tic- pour chercher -tic- sa proie. Tic. Et ne pas -tic- la trouver.


 


Et tout à coup une nouvelle pression au dessus de moi. Tic. Qui s'accentue. Tic. Encore. Tic. Et encore. Tic. Comme si elle était -tic- revenu entièrement -tic- poser son poids sur le tas de décombres. Je sens des mouvements au dessus de moi. Ne pas respirer. Ne pas bouger. Ne pas penser à ma hanche qui me fait maintenant atrocement souffrir. Le mouvement s'arrête. Le bruit s'arrête. Elle ne voit rien. Je n'entends rien. Elle ne sent rien. Je ressens son poids sur moi. Elle n'entend rien. Je ne ressens plus son poids sur moi. Comme si elle s'était soudainement envolée. Qu'elle est cette... Le bruit revient ! Tic... tic... tic... tic... tic tic tic tic. De plus loin. Tic tic tic tic tictictictic. D'en haut. Tictictictictictictictic. Comme si elle était remontée au rez-de-chaussée. Tictictictic... Le bruit disparaît au loin, comme si elle avait décidé d'abandonner la recherche. Ou de l'abandonner ici en tout cas, en bas, à la cave.


 


Mon rythme cardiaque ne semble pas vouloir se calmer. Mes diverses douleurs reviennent cogner dans le crâne. La lumière bleu électrise mes pupille. Serait-ce un terminal. Ici, dans cette stupide cave de ce stupide lieu abandonné ? Pourquoi pas ? Ils seraient peut-être assez tordus pour... Quelque chose grince au-dessus. Puis tombe. Sur le tas. Sur moi. Toute la douleur et la peur retenues en moi jusqu'alors ressortent dans un hurlement oh combien malvenu. Pour une stupide planche en bois de l'escalier qui vient de me fracasser le crâne.


 


Je n'ai maintenant plus le choix. Me tortillant, balançant les formes sombres qui m'ensevelissent, m'entassent, m'encombrent ou me barrent la route, je trace un chemin en rampant hors du tas de décombres. Je le vois maintenant clairement. C'est bien un terminal. Fenêtre bleu et vierge. Rectangle blanc clignotant. Prêt à recevoir sa commande. Le bas de mon corps ne semblant plus répondre, je rampe en hurlant de douleur jusqu'à l'écran. Je sais maintenant que toute discrétion est inutile, que seul la rapidité me permettra de sortir vivante de là. Encore un mètre.


 


Tictictictictictictictic. Je l'entends à l'étage, qui se précipite dans ma direction. Le bout de mes doigts atteint le clavier. Mon corps refuse de bouger plus loin. Je suis trop loin ! Je n'atteins que la première ligne de touches du clavier !


 


Tictictictictictictictic. Elle est maintenant en haut de l'escalier. Dans un sursaut désespéré, je donne un coup de hanche qui me permet d'avancer de dix centimètres. Et mes doigts se mettent à voler vers le clavier. A danser sur les touches. Tictictictictictictictic.


 


Elle vient d'atteindre le sol de la cave.


 


Tictictictictictictictic.


Tic... tic... tic... tic... tic tic tic tic.


 


Des lettres apparaissent sur l'écran, devant mes yeux.


 


Tictictictictictictictic.


Tic tic tic tic tictictictictictictictic.


 


J'ai l'impression de ressentir une légère pression sur mon mollet. Pourtant, il me semblait que le bas de mon corps... une sensation glaciale remonte le long de ma colonne vertébrale. Et je sens que mes muscles s'engourdissent à une vitesse folle. Elle vient de me mordre ! Comme Ronan! Le poison paralysant ! Je tente de lancer mes dernières forces sur le clavier.


 


end level emergency exit]


 


Il ne me reste plus qu'à lancer la commande. Appuyer sur la touche « Entrée ». Mais déjà mes doigts courbés au-dessus des touches ne répondent plus. Mon index droit, quelques millimètres au-dessus de la touche « Entrée ». Si près du but...


 


Tictictictic. Comme dans le plus horrible des cauchemars, seules ma vue, mon ouïe et mon cerveau semblent encore fonctionner. Tictictictic. Comme si cette monstrueuse créature voulait pousser le vice au point que ces proies restent suffisamment conscientes pour comprendre l'horreur qui va leur arriver. Tictictictic. J'ai l'impression que le bas de mon corps de soulève, tandis qu'elle tourne autour. Tic tic tic tic. Tout en remontant lentement. Tic tic tic tic. Arrivée à ma hanche, je sens enfin qu'effectivement, elle me soulève légèrement pour faire passer une patte en dessous. Tic tic tic tic. Comme si elle voulait faire passer quelque chose autour de moi. Tic... tic... tic...tic... Comme si elle m'enroulait. Tic... tic... tic...tic... Comme si elle m'emprisonnait. Tic... tic... tic...tic... Dans un cocon. Un cocon de soie. Tic... tic... tic...tic... Un garde-manger. Tic... tic... tic...tic... Et tandis que le haut de mon corps de soulève, je vois enfin une de ses pattes velues trépigner devant mes yeux. Tic... tic... tic...tic... Sortir de mon champ de vision. Tic... tic... tic...tic... Je pousse mes globes oculaires le plus possible vers le haut de mes orbites. Tic... tic... tic...tic... Pour voir sa patte s'approcher du clavier. Tic... tic... tic...tic... Tourner autour. Tic... tic... tic...tic... Et appuyer sur la toucher « Entrée »...




Le réveil, par Boo-Bap-Doo-Wap

Une lumière aveuglante m’éblouit, et je retrouve enfin l’usage de mes bras. A gestes mesurés, comme quelqu’un se réveillant d’un rêve dont i…