La couleur de la vie, par BanjiBanjo

Aucun doute possible, c'était bien Mme Delmas. La voir étendue sur le sol, inerte, cela m’a semblé si étrange sur le moment. Non pas que voir le cadavre d’une …




Chapitre 3: La sensation du doute, par Wargen

Le craquement de la craie que l'on écrase avec sa chaussure. C'est sur ce son désagréable que je me retournais, paniquée, prête à sauter pour esquiver un être maléfique qui me bondirait dessus. Un cri d'angoisse et de terreur bloqué dans la gorge. Les ongles prêts à griffer ce qui pourrait l'être. Les jambes flageolantes.


 


Où était-il ? Qui était-il ?


 


Et alors je le vis. Se redressant de derrière un bureau. Un bout de craie écrasé à la main. Sa face livide et pouponne regardant autour de lui. Et tombant sur mes yeux inquisiteurs.


 


-Leto ! Tu m'as fait peur !


 


Leto. Le petit dernier arrivé à l'institut, il y a deux mois à peine, en pleine année scolaire. Tout petit, je ne savais même pas dire son âge. Sept ans ? Huit ? Sa petite carrure frêle ne jouait pas en sa faveur. Il ouvrit la bouche, et resta ainsi quelques secondes, avant de la refermer. Sans qu'un son n'en sorte. Il regarda le bout de craie dans sa main, et fit la moue.


 


Leto était bizarre. Il était nouveau et arrivée en pleine année, ce qui n'aidait pas. Il était bien plus jeune que nous tous, était tout petit, et présentait un visage fantomatique. Mais malgré son âge, il avait un je ne sais quoi de mature, d'adulte. Quand il nous parlait, nous avions l'impression qu'une personne bien plus âgée était coincée dans son tout petit corps. Ce qui était rare, car il parlait peu, de nature très timide et réservé. Et par phase, comme un bouchon qui sautait, il se mettait à déblatérer, piailler, raconter des histoires proches et lointaines, communes et grandiloquentes, géniales et horribles.


 


Il lâcha le bout de craie, regarda ailleurs, et arrêta ses yeux sur un rossignol qui chantait sur une branche du grand arbre de la cour de récréation que l'on apercevait à travers les fenêtres de la classe. Il ne semblait déjà plus là, perdu dans ses pensées insondables.


 


Mon cœur se calmait doucement. Mon visage fit le tour de la classe. En dehors de Leto, tout semblait calme et paisible. Sauf qu'un cadavre trônait dans mon dos, avachi contre le mur. A cette sombre pensée, une décharge gelée parcourue toute mon épine dorsale. La porte dans mon dos était fermée. La latérale, menant de la buanderie où je nettoyais les pinceaux, ne laissait apparaître qu'une petite pièce sombre et vide de toute présence humaine. Le seul accès à la classe restait la porte principale qui se trouvait derrière Leto.


 


Je m'approchais doucement du petit garçon :


 


-Leto, est-ce que tu as vu quelqu'un en entrant ?


 


Il reconnecta à la réalité et tourna un visage perplexe et inquiet dans ma direction. Je m'avançais doucement vers lui :


 


-Leto, tout va bien ?


 


Il ouvrit la bouche, émit un plaintif « oui », et la referma. Il tremblait légèrement. Je vis ses yeux pointés dans mon dos. Je devinais qu'il venait d'apercevoir le cadavre. Et je remarquai qu'il avait une main dans le dos, depuis tout le début de la scène. Je ressentais une pointe de doute s’insinuer dans ma chair, dans mon cerveau, dans mon cœur :


 


-Leto... tu peux me montrer ce que tu caches dans ta main ?


 


Il pointa un regard suppliant dans ma direction. Son bras bougea, comme au ralentis. Et il fit apparaître une manche, suivis d'une main. Tenant un couteau. Le tout maculé de sang. Des larmes coulaient sur ses joues. Ma bouche s'ouvrit...