Embrace triumphants darkness, par Wargen

Je, tu, elle, nous, vous elles. Comme sorti du néant, la conscience semble revenir. Ma conscience semble me revenir. Émergeant d'un vide insondable. Comme si je m'éveillais au mo…




Chapitre 18: Princesse Fefo-part 1, par Wargen

Ma conscience est légère, libre. Elle flotte, vole, se déplace sans contraintes. Tout autour de moi est sombre. Vide, plutôt ? Il me semble en effet ne rien y avoir. Un rien infini et insondable. Mais je suis bien. Tranquille. Sereine.
 
Il me semble ne plus rien ressentir, en dehors de ma propre conscience. Tout semble s'être arrêté, figé, et je batifole dans le néant. J'imagine la sensation du vent du vide sur mon visage disparu, j'imagine la lumière du vide éclater à mes yeux envolés, j'imagine le bruit du vide bourdonner à mes oreilles manquantes, j'imagine le goût du vide dans mon palais absent. Et tout cela serait doux, léger, agréable, bon.
 
Comme une feuille tombée à l'automne dans le vent, ma conscience volette, béate, dans un néant primordial.
 
Cet état de bonheur absolu, que j'espérai pouvoir durer indéfiniment, s'interrompt malheureusement au bout d'une durée indéterminée. Ma conscience semble en effet maintenant figée, comme ancrée. Arrivée à destination. A bon port ?
 
Néanmoins, je ressens que je suis encore dans un état de confort agréable. Même si mes mouvements sont limités par des parois proches, je flotte dans un liquide chaud et nourricier. Je me sens protégée, aimée, au centre de l'attention. Des battements périodiques ronronnent et m'indiquent que tout va bien. J'entends de temps à autre un loin vibrato qui semble m'être adressé, et qui m’apaise. Je suis bien. Je suis calme. Je suis heureuse.
 
Jusqu'à ce que les calmes battements périodiques s'accélèrent. Que le loin vibrato devienne plus brusque, rauque et aiguë. Que les parois se mettent à me cogner dessus. Que le liquide chaud et nourricier commence à s'évacuer. Je me sens emportée. Je me sens poussée. Je me sens traînée. Un goulot d'étranglement appuie sur ma tête. Ça me fait mal. On me pousse, on m'agrippe, on hurle. La tête a passé le goulot d’étranglement, et j'ai froid. De multiples sons brusques agressent mes oreilles. Mon frêle corps commence à passer le goulot d’étranglement. J'ai l'impression que beaucoup de choses s’excitent, s'égosillent et s'éparpillent autour de moi. Mon corps boudiné racle contre le goulot d'étranglement, tandis que ce dernier semble me pousser vers la sortie. Ça y est, mes pieds pendent dans le vide. J'ai froid. Je ressens une grande douleur dans mon dos. Quelque chose vient de me taper. En réaction, ma bouche s'ouvre. Une grande goulée d'air s'engouffre à l'intérieur. Ça m'irrite. Ça me brûle. J'ai l'impression que quelque-chose se déplie à l'intérieur de moi, tandis que je me gonfle d'air brûlant. Je hurle devant tant d'agressions soudaines. Comment peut-on passer d'un état de béatitude à ce déchaînement de violence en si peu de temps. Je hurle. Je ressens mes bras boudinés qui font des moulinets, tandis que mes petites jambes donnent des coups dans le vide. J'ai froid. J'ai mal. Je brûle de l'intérieur. La lumière vive agresse mes pupilles, et je referme les paupières immédiatement. Je ressens une douleur au nombril. Et une sensation de perte, d'abandon.
 
Du bruit partout. Du mouvement. De l'eau froide sur mon corps. On me baigne, on me lave, on me frictionne et on me place dans un linge. Je pleure encore et toujours. Du bruit. Du mouvement. J'ai l'impression qu'il fait plus froid. Et d'être entrée dans une salle immense, infini. On me porte, on me lève. Une clameur infinie agresse mes oreilles, venant d'en bas, du fond, de la droite, de la gauche, de partout. Je me sens pendre au-dessus du vide.
 
Tout cela est bien trop. Ma conscience est fatiguée. Elle semble revenir à un état simple, basique. Reptilien. J'ai froid. J'ai faim. J'ai sommeil.
 
-Ouin !!!
 
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Je suis débout sur un tapis rouge, la tête levée vers mon papa. Il se trouve debout devant moi, habillé de vêtements brillants et jolis, sa main droite posée sur mon front. Il me regarde en souriant. Sa voix grave résonne dans la grande salle bondée :
 
-Par les pouvoirs divins qui m'ont été confiés de mon père, moi, Roi Chah-Ras II, monarque du royaume Khomme-Un et de sa magnifique capitale Thiercelieux, baptise ma fille sise devant moi, âgée aujourd'hui de trois ans, du prénom de Fefo. Dieux devant lesquels nous nous prosternons platement, nous vous remercions de lui reconnaître le droit de vivre.
 
Il me fait signe d'ouvrir la bouche. Il me glisse un bout de pain dans la bouche, me verse de l'eau fraîche sur le front, puis me demande de me tourner. Je suis alors en face de l'immense grande cathédrale, pleine de monde. J'ai peur devant toute cette foule, mais je sens les mains puissantes et protectrices de papa se poser sur mes épaules :
 
-Mes chers et aimés sujets, veuillez reconnaître ma fille sise devant moi comme la nouvelle princesse Fefo. Elle deviendra, je le sais, une sage et grande Reine digne de notre auguste famille royale, à même de mener, par de grandes et bonnes décisions, la destinée du royaume, et de le faire rayonner aux yeux du monde entier. Messieurs, mesdames, faites un triomphe pour la princesse Fefo !
 
Des vivats, des hourras et des sifflements remplissent la grande salle de bruit, me faisant mal aux oreilles. Des chapeaux volent, des gens tapent dans leurs mains. Mais les gens âgés des premiers rangs me regardent bizarrement. Comme s'ils n'étaient pas contents.
 
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Mes six ans viennent de sonner. Je profite d'un peu de répit après la fête, seule dans une petite pièce du château avec Mère :
 
-Mère, j'ai une question.
 
-Je t'en prie, ma fille.
 
-Pourquoi est-ce que je m'appelle Fefo ?
 
Elle me regarde et sourit bizarrement.
 
-C'est ton père qui a choisi. Il m'a dit que l'idée lui était venue soudainement quelques jours avant ta naissance. Comme une évidence. Comme un cadeau des Dieux. Il ne m'en avait jamais parlé avant la Cérémonie du Prénom. Pourquoi cette question ?
 
-Un garçon s'est moqué de mon prénom lors de la fête. Il m'a dit que c'était un prénom très moche. Et... c'est vrai que ce n'est pas très beau. Je n'aime pas beaucoup.
 
Mère m'ébouriffe les cheveux en souriant :
 
-Ce n'est qu'un prénom, ma fille. Même s'il est... particulier, c'est le tien, et il te démarque des autres. Ne te fais pas de soucis avec ça. Qui est le garçon qui t'a dit ça ?
 
-Le grand Miso. Il est beau mais il est méchant avec moi.
 
-Ah, le fils du primo-conseiller Gin. Tu n'as qu'à lui dire que son prénom aussi n'est pas beau.
 
Je soupire :
 
-Mère... est-ce que je pourrais le changer, quand je serais Reine ?
 
Son regard change légèrement, plus triste :
 
-Oui, je suppose que tu prendras un nouveau nom royal. Mais...
 
Comme elle ne termine pas sa phrase, je la relance :
 
-Mais ?
 
-Je... tu es trop jeune pour comprendre ce qu'il se passe. » Un sourire réapparaît sur son visage « Il était bon le gâteau d'anniversaire ?
 
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-Mère, pourquoi pleurez-vous ? Et qu'est-ce que ce bleu à votre œil ?
 
Mère tente de retenir ses larmes et tourne sa tête :
 
-Ce... ce n'est rien. Tu ne peux pas comprendre.
 
-Mère, j'ai neuf ans, je commence à être grande, j'ai le droit de savoir. Si je dois devenir Reine un jour, il faut que je commence à savoir et ne plus être prise pour une enfant !
 
-Ma fille...
 
Elle soupire et tourne son œil violet vers moi :
 
-Je ne sais pas si tu vas être Reine un jour.
 
Je la regarde, stupéfaite :
 
-Quoi ? Pourquoi ?
 
-Ma petite Fefo... Des gens à la cour ne veulent pas que tu deviennes Reine un jour. Ils poussent tous les jours ton père pour qu'il ait un fils et qu'il devienne le futur Roi.
 
-C'est le primo-conseiller Gin ?
 
-Oui. Et il a pratiquement réussi à rallier la totalité de la chambre des ducs et la congrégation des grands prêtres à sa cause.
 
-C'est pour ça que Miso et la plupart des autres enfants de la cours m'embêtent tout le temps... Je croyais seulement que c'était parce que j'avais battu Miso à la course à cheval.
 
-Oui, ma fille. Ton père t'aime beaucoup, mais il commence petit à petit à changer d'avis à propos de sa succession. Il m'a demandé de lui donner un fils. J'ai refusé. Il s'est énervé et, dans un accès incontrôlé, m'a frappée. Il s'en est heureusement tout de suite voulu. Je vais tenter de le repousser tout le temps que je peux, mais j'ai peur que le poison que lui distillent chaque jour ses conseillers ne finisse par triompher. Il faut que tu sois forte, ma fille, et que tu lui montres tous les jours qu'il n'a pas besoin de fils, et que tu seras une excellente Reine. Promets-le-moi, ma fille.
 
Je prends ma mère dans mes bras :
 
-Je vous le promets, Mère.




Princesse Fefo-part 2, par Wargen

La plume de la flèche touche presque ma pupille. Mon bras, en plein effort pour garder l'arc bandé, suit la trajectoire supposée de l'animal. Dès qu'il sort des fourr&eacu…