La danse du dragon

Amelia resta figée, observant le petit dragon aux yeux jaunes. Il la regardait fixement, ses prunelles brillant d'une lueur presque hypnotique. Une goutte de sueur perla sur son front alors qu'elle s'avançait lentement vers le meuble derrière lui, sans jamais quitter du regard la créature. Elle déposa un genou à terre, son attention entièrement captée par le dragon.

Tandis qu'elle tendait la main vers son téléphone, caché sous le meuble, le dragon poussa un cri aigu, plus menaçant que tout ce qu'elle avait entendu auparavant. De la fumée noire s'échappa de ses narines, et un son semblable au crépitement d'un feu de cheminée émanait de ses entrailles. Sous lui, le parquet semblait onduler, comme s'il allait s'embraser à tout instant. Amelia reçut une vague de chaleur invisible en plein visage. Prise de panique, elle recula d'un bond, son cœur battant à tout rompre.

— Ok, ok, désolée ! s'exclama-t-elle, le souffle court.

Amélia recula d'un pas et le dragon stoppa son crépitement. Les pièces de monnaie ne fonctionnent pas, mais mon portable, oui.

— Est-ce qu'il faut que ça brille ? Ou alors, c'est la lumière qui te fascine ?, poursuit-elle sa réflexion à voix haute.

Bien décidée à tester les deux hypothèses en un coup, elle revint avec son PC portable et chercha rapidement sur Youtube. En quelques clics, elle trouva la scène où Bilbo entre seul dans la montagne solitaire. Elle posa l'ordinateur devant le dragon et attendit. Le dragon lança un regard en coin, puis un autre, un peu plus loin, avant de se tourner complètement. Et au moment où Bilbo commença à glisser sur l'immense tas d’or, l'attention de la créature se fixa entièrement sur l'écran.

Ça marchait ! Le dragon, captivé, inclinait sa tête, ses yeux jaunes brillant intensément devant les images animées. Amelia, rassurée, se rappela les instructions de sa grand-mère : nettoyer le fluide sur les ailes du dragon. Les serviettes de Morty ? Non, trop risqué. Elle ne voulait pas s’approcher aussi près.

Elle envisagea d'autres options – un chiffon, une éponge, voire même un gant de toilette – mais chacune d'entre elles impliquait une proximité trop grande avec le dragon. Puis, une idée lui vint. Elle se précipita dans son débarras et en ressortit avec un long plumeau. Elle revint en courant, Morty ne daignant même pas lever la tête de sa gamelle.

Avec précaution, elle commença à nettoyer le dragon, gardant une distance prudente. Le dragon émettait de petits crépitements, des crachotements qui ressemblaient davantage à des gazouillis de plaisir. Même si cela ne nettoyait pas très bien, au moins cela faisait son petit effet. Amelia sourit en voyant la créature se rouler de plaisir, les yeux fermés. C'était l'une des danses les plus mignones qu'elle n'avait jamais vue, ce qui l'incita à le balayer de plus en plus vite avec son plumeau, frottant dans le recoin de chaque petite écaille, et remontant à chaque fois le long des ailes. Mais en vérité, c’était surtout le sol de son appartement qui récupérait tout le fluide.

Tout en s'appliquant à sa tâche, Amelia sentit une secousse brutale contre son mollet. Elle se raidit instantanément, un frisson de peur la traversant de part en part. Serait-ce un autre dragon ? Gardant un œil vigilant sur le dragon devant elle, elle se retourna lentement, pour finalement découvrir que ce n'était que Morty, manifestement jaloux du soin particulier accordé à la créature. Le chat miaula, réclamant une attention similaire. Amelia poussa un soupir de dépit.