Un vrai cauchemar

          Anthony se précipita sur l’homme, qui le repoussa d’un seul revers de main et donna un premier coup de hache au tronc.

           _ Noooon ! hurla Anthony en s’accrochant aux jambes du colosse.

Cela n’empêcha pas le deuxième coup de hache. Horrifié, Anthony tourna la tête et vit du sang s’écouler de la plaie. Soudain, le tronc explosa et un flot rouge les engloutit.

Anthony s’éveilla en sursaut, le cœur battant la breloque. Il se noyait, il se noyait ! Il attrapa la ventoline sur sa table de nuit et respira un grand coup. Ses poumons se libérèrent et il put se laisser aller avec un soupir soulagé contre son oreiller trempé. Un cauchemar, ce n’était qu’un cauchemar.

Pourtant… Il se leva d’un coup malgré les protestations de ses articulations et dévala l’escalier sans prendre le temps de changer son pyjama poisseux. Il enfila ses chaussures à la hâte et sortit en courant dans le jardin, aussi vite que son vieux cœur le lui permettait.

Le saule pleureur se dressait sous le clair de lune qui l’ombrait d’une aura mirifique, ses longues branches ondoyant sous la brise nocturne.

Anthony tomba allongé dans l’herbe grasse, vidé. Au bout d’une éternité, il s’assit en grimaçant d’arthrose. Le saule pleureur était toujours là.

Il resta à l’observer toute la nuit.

Il resta quand la lune disparut, puis quand le ciel devint gris, puis quand l’aurore vint le nimber d’une lumière de fées. Il resta encore quand le soleil chauffa son dos, puis sa tête et ni la soif, ni la faim ni aucune protestation de son corps ne le fit se lever.

Puis le soleil vint lui faire transpirer les yeux et c’est à peine s’il rampa d’un mètre pour continuer à voir le saule pleureur.

Le ciel devint rouge, et or, et rose, l’arbre et son étang s’embrasèrent dans la dernière lumière du jour. Alors, Anthony déplia son corps rouillé.

Il savait ce qu’il avait à faire.