Chair tendre

Le lune rousse brille dans le ciel nocturne. Il avance, le couteau brandi dans sa main gantée. Mais s'arrête, silhouette pantelante, devant sa victime non consentante. Les idées sombre lui vrillent les pensées ; doit-il y aller, doit-il succomber ? Son bras tremble, le couteau danse. Son esprit rance déploie ses sangles. Mais bien sûr, ne te fais pas prier, il n'y a rien à craindre à se laisser tenter ! Alors désinhibé, sur sa proie, rapide, il envoie son bras. La lame entaille la chair, s'enfonce dans le corps clair. Du liquide lui saute au visage, éclabousse sa livide image. Tchactchactchac, de deux entailles supplémentaires, il enlève un bout triangulaire. La pauvre victime se tient coite, désemparée dans cette ambiance moite. Sous sa couche de plastique orange, la peau de sa main le démange. Du bout des doigts en tirant, il enlève le gant qui lui déplaît tant. Saisissant la chair à pleine main, il la porte à la bouche d'un geste plein. Cru, c'est dru ; cela ne pourrait être pire de la cuir. Sa lame repart en avant, cisaillant et découpant, Une autre giclée qui saute, un autre bout qui flotte, Il attaque et il cisèle ; il découpe et il modèle ; il gratte et il craquelle. D'un geste fluide, il entaille le bide. Danse des montagnes-russes, dessine un château en Prusse. Des créneaux et des tanières, des triangles et des meurtrières. Il recule et la frénésie sauvage retombe, il scrute son œuvre prête pour la tombe. Il se gratte la barbe, perturbé ; quelque chose semble lui manquer. Un sourire apparaît, il la décapite ; et sur le jus coulant il se précipite. A pleines mains non gantées, tous les fluides sont enlevés. Il rogne et il cogne, il frotte et nettoie la grotte. Enfin ça y est, cerise sur le gâteau, il déploie la cire dans le petit pot. Dans le corps tout chaud de la proie, il tend la flamme qu'il ne voit. Il allume la petite bougie dans la fouille, et contemple la face mouvante de la citrouille. Et alors pour ce sombre Halloween, enfin se libère-t-il de son spleen...